Un an et demi après la chute d'Hosni Moubarak, les Égyptiens ont élu un premier président islamiste dans l'histoire de leur pays.

Celui-ci s'est empressé d'envoyer des signaux d'ouverture, de tolérance et de modernité à la communauté internationale ainsi qu'aux minorités religieuses du pays.

Dimanche, Mohammed Morsi a été officiellement porté au pouvoir, avec l'appui de 51,73% des électeurs. Le candidat des Frères musulmans a battu Ahmad Chafiq, premier ministre sous le régime Moubarak, qui a récolté 48,27% des voix.

«Je suis le président de tous les Égyptiens sans exception», a déclaré M. Morsi dans son premier discours en tant que président, quelques heures après l'annonce officielle de sa victoire. «L'unité nationale est le seul moyen de sortir de ces temps difficiles», a-t-il aussi affirmé.

La semaine dernière, les autorités judiciaires égyptiennes ont dissous le Parlement égyptien, ce qui complexifie la tâche du nouveau président.Après avoir accueilli les révolutionnaires qui ont réussi à faire tomber le régime Moubarak l'hiver dernier, la place Tahrir a été le lieu de rassemblement de partisans du nouveau président, en fin de semaine.

Plusieurs médias occidentaux ont analysé la victoire de M. Morsi comme une annulation pure et simple des acquis du Printemps arabe. «La révolution part en Coran», a titré hier le quotidien français Libération.

Selon Costanza Musu, politologue de l'Université d'Ottawa spécialiste de la région, il ne faut pas perdre de vue que le soulèvement populaire du début 2011 n'était pas uniquement laïque et progressiste.

«Il y avait aussi un côté islamique au Printemps arabe, ça fait partie de ça, a-t-elle affirmé. Les Frères musulmans ont été beaucoup réprimés pendant les années de Moubarak.» Elle ajoute toutefois qu'une partie des révolutionnaires qui ont fait tomber Moubarak doivent effectivement regretter de voir un parti islamiste s'emparer de la présidence.

Le nouveau président se revendiquait de la «révolution» pendant la durée de sa campagne. Dimanche, Mohammed Morsi a commencé son premier discours officiel par un hommage aux centaines de personnes tuées pendant le soulèvement populaire. Il faut que la «révolution continue jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs», a-t-il affirmé.

La politologue croit que l'organisation islamiste a été capable de bien jouer ses cartes après le soulèvement. «C'est vraiment les Frères musulmans qui ont été capables d'entrer dans cet espace politique rendu disponible par la fin du régime Moubarak», a analysé Costanza Musu.

UNE «ROUE DE SECOURS»

Mohammed Morsi est un ingénieur bedonnant, peu charismatique et qui peine même parfois à s'exprimer en public. Né en 1951 dans une région rurale du delta du Nil, il vient d'une famille analphabète. Il s'en sépare pour poursuivre des études au Caire.

Dans les années 80, il quitte l'Égypte pour les États-Unis, afin de faire un doctorat en Californie. Il enseigne ensuite le génie dans une université de sa province natale. Pendant qu'il forme de futurs ingénieurs, Mohammed Morsi grimpe les échelons au sein de l'organisation des Frères musulmans.

À chaque étape de son ascension, il est resté proche de deux personnalités devenues de puissants responsables du mouvement: Mahmoud Ezzat et Khaïrat el-Chater, numéro deux des Frères musulmans.

Ce dernier avait été choisi par le mouvement pour porter ses couleurs lors de la présidentielle, mais sa candidature a été refusée par les autorités électorales égyptiennes. Surnommé «roue de secours» depuis, Mohammed Morsi l'a remplacé sur le bulletin de vote.

-Avec l'AFP