Hosni Moubarak, 84 ans, qui a été déclaré mardi soir en état de mort clinique, a dirigé l'Égypte sans partage pendant trois décennies avant d'être renversé par la rue début 2011, puis condamné à la prison à vie pour la mort de manifestants.

M. Moubarak est «cliniquement mort». «Son coeur a arrêté de battre et il a été soumis à un défibrillateur plus d'une fois mais il n'a pas réagi», a rapporté l'agence officielle Mena, citant une source médicale.

Il venait d'être transféré dans un hôpital militaire de la banlieue du Caire.

M. Moubarak a connu une rapide détérioration de son état de santé depuis sa condamnation le 2 juin pour la mort de près de 850 personnes pendant la révolte de janvier/février 2011, suivie de son transfert dans l'aile médicalisée de la prison de Tora, dans la banlieue sud du Caire.

Souffrant de dépression aiguë, de difficultés respiratoires et cardiaques, et d'hypertension, selon des sources médicales et ses avocats, il a été victime mardi d'une attaque cérébrale et a dû subir une nouvelle défibrillation cardiaque.

Tout au long de son procès, il était apparu devant les juges allongé sur une civière, enfermé dans un box grillagé, loin de l'image de dirigeant courtisé sur la scène internationale et redouté à domicile, qu'il avait été autrefois.

Lors de son arrivée à la tête du pays en 1981, à la faveur de l'assassinat du président Anouar el-Sadate par des islamistes, personne n'avait prédit à l'époque beaucoup d'avenir à cet ancien commandant de l'armée de l'air, qui manque de charisme.

Réputé pragmatique, mais de plus en plus coupé du peuple et orgueilleux, il s'appuie sur un redoutable appareil policier et un parti à sa dévotion pour étendre son emprise et régner sans partage sur le pays, le plus peuplé du monde arabe, pendant trois décennies.

Le maintien contre vents et marées des accords de paix conclus en 1979 avec Israël et sa réputation de modéré au sein du monde arabe valent à son régime autocratique les faveurs de l'Occident, en particulier des États-Unis dont il restera l'allié indéfectible.

Avec sa silhouette trapue, sa chevelure toujours drue malgré l'âge et son regard souvent dissimulé derrière des lunettes de soleil, M. Moubarak était devenu au fil des ans une figure familière des réunions internationales.

Il s'est aussi montré un adversaire résolu de l'islamisme radical façon Al-Qaïda, mais sans parvenir à enrayer la montée du mouvement conservateur des Frères musulmans, aujourd'hui officiellement première force politique d'Égypte.

La politique d'ouverture économique suivie dans les dernières années de sa présidence a valu à l'Égypte une amorce de décollage économique remarqué, mais aussi une aggravation des inégalités, du mécontentement social et de la corruption.

Au cours de sa longue carrière, il a échappé à plusieurs tentatives d'attentat et n'a jamais levé l'état d'urgence en vigueur tout au long de sa présidence. Celui-ci a finalement été levé fin mai.

En mars 2010, il avait été hospitalisé en Allemagne pour une ablation de la vésicule biliaire et le retrait d'un polype du duodénum.

Né le 4 mai 1928 dans une famille de la petite bourgeoisie rurale du delta du Nil, Mohammed Hosni Moubarak a fait ses preuves dans l'armée, jusqu'à devenir commandant en chef des forces aériennes, puis vice-président en avril 1975.

Hosni Moubarak est marié à Suzanne Thabet, qui fut très influente dans son entourage.

Leurs deux fils, Alaa et Gamal, qui étaient jugés en même temps que leur père pour corruption, n'ont vu aucune condamnation prononcée contre eux, les faits de corruption les concernant ayant été considérés comme prescrits. Ils seront de nouveau jugés le 9 juillet pour une affaire de corruption.

Gamal Moubarak avait, jusqu'à la chute du régime, fait figure de successeur présumé de son père.

Chronolgie

Voici un rappel des grandes dates de l'Égypte d'Hosni Moubarak, arrivé au pouvoir en 1981 et qui a été, selon l'agence égyptienne Mena, déclaré en état de mort clinique mardi.

- 13 oct 1981: Hosni Moubarak élu président de la République, une semaine après l'assassinat du président Anouar el Sadate par des islamistes. L'état d'urgence est décrété et constamment reconduit.

- 25-26 fév 1986: Émeutes des conscrits de la police au Caire, protestant contre leurs conditions salariales et sociale: 107 morts, plus de 700 blessés.

- 26 juin 1995: Moubarak échappe à un attentat à Addis Abeba, revendiqué par le groupe armé islamiste Jamaa Islamiya. Il sera visé par au moins six tentatives d'attentat.

- 17 nov 1997: Attentat à Louxor (Haute-Egypte), revendiqué par la Jamaa Islamiya: 68 morts, dont 58 touristes étrangers.

- 3 jan 2000: 22 morts en Haute-Egypte dans des affrontements entre musulmans et chrétiens.

- 17-18 oct: Sommet israélo-palestinien à Charm el-Cheikh (sud) en présence du président américain Bill Clinton. L'Égypte a été le premier pays arabe à signer la paix avec Israël en 1979.

- 28 sept 2003: Moubarak annonce des mesures de démocratisation politique, sous l'impulsion de son fils Gamal dont l'influence grandit au sein du Parti national démocrate (PND, au pouvoir).

- 7 oct 2004: Attentats à Taba (sud) contre des lieux touristiques: 34 morts, en majorité des Israéliens. Revendiqués par un groupe se réclamant d'Al-Qaïda.

- 23 juil 2005: Attentats à Charm el-Cheikh: près de 70 morts, dont une vingtaine d'étrangers. Quatre groupes revendiquent ces attaques, dont le groupe islamiste «Al-Tawhid wal Jihad» se réclamant d'Oussama ben Laden.

- 9 nov-7 déc: Percée historique aux législatives des Frères musulmans (88 élus sur 454) qui deviennent la principale force d'opposition. 13 morts dans des heurts.

- 24 avr 2006: Triple attentat suicide à Dahab (sud): 20 morts dont six étrangers. Les autorités accusent le groupe islamiste Al-Tawhid wal Jihad.

- 23 jan-3 fév 2008: A Rafah, des militants du Hamas ouvrent à coups d'explosifs la frontière entre l'Égypte et Gaza, soumise à un blocus israélien, entraînant un flux de centaines de milliers de Palestiniens en Égypte. Le terminal est ensuite refermé.

- 6-7 avr: Des manifestations contre la flambée des prix et la pénurie du pain subventionné dégénèrent en affrontements entre manifestants et policiers dans le nord (3 morts).

- 28 nov-5 déc 2010: Le Parti présidentiel renforce sa domination au Parlement en raflant près de 83% des sièges après le retrait au second tour des législatives des Frères musulmans qui dénonçaient des fraudes.

- 1er jan 2011: 23 morts dans un attentat devant une église copte d'Alexandrie. L'Égypte accuse le groupe radical palestinien l'Armée de l'Islam qui dément.

- 25 jan: Début de manifestations antigouvernementales qui ont fait quelque 800 morts et des milliers de blessés (officiel).

- 11 fév: Hosni Moubarak démissionne et remet le pouvoir à l'armée. Il est assigné à résidence à Charm el-Cheikh.

- 19 mars: Les Egyptiens votent massivement «oui» lors d'un référendum sur la révision de la Constitution, validant les projets de l'armée pour une transition rapide vers un pouvoir civil élu.

- 12 avr: Moubarak est victime d'un accident cardiaque durant un interrogatoire dans le cadre d'une enquête sur les violences contre les manifestants.

- 13 avr: L'ex-président et ses fils Alaa et Gamal sont placés en détention pour 15 jours.

- 16 avr: Le Parti national démocrate (PND, au pouvoir sous Moubarak) dissous.

- 6 juin: Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), issu des Frères musulmans, légalisé.

- 28 nov: Première phase des élections législatives, qui s'étalent jusqu'en janvier. Les islamistes remportent près des deux tiers des sièges de députés, dont près de la moitié pour les seuls Frères musulmans.

- 23-24 mai: Premier tour de la présidentielle. Le Frère musulman Mohammed Morsi et l'ex-Premier ministre de Moubarak Ahmad Chafiq qualifiés pour le second tour.

- 31 mai: Fin de l'état d'urgence imposé en 1981.

- 2 juin: Moubarak et son ex-ministre de l'Intérieur Habib el-Adli sont condamnés à la réclusion à perpétuité pour la mort de manifestants pendant la révolte. Six anciens hauts responsables de la sécurité sont acquittés. Les faits de corruption visant les fils Moubarak, Alaa et Gamal, sont déclarés prescrits. Des milliers de manifestants contre le verdict. Nouveau procès pour corruption pour les fils Moubarak en juillet.

- 14 juin: La Haute cour constitutionnelle considère le Parlement comme «anticonstitutionnel» et sa composition «entièrement illégale», décision dénoncée comme un «coup d'État» par un dirigeant islamiste.

- 16 et 17 juin: Second tour de l'élection présidentielle dont le résultat doit encore être annoncé, Mohammed Morsi et Ahmad Chafiq revendiquant tous deux la victoire.

- 20 juin: Hosni Moubarak est déclaré en état de mort clinique, selon l'agence officielle Mena.