Les révolutionnaires égyptiens doivent plus que jamais s'unir pour éviter que le pouvoir ne bascule définitivement entre les mains des militaires, observe Omar Ashour, directeur du programme d'études du Proche-Orient à l'Université Exeter, en Grande-Bretagne. Nous l'avons joint au Caire, où il se trouvait hier.

Q: Quelle a été votre première réaction en entendant la décision de la cour ?

R: Mon coeur aurait préféré quelque chose de différent, mais ma tête s'attendait à ça, même si je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi radical. [...] C'est une décision favorable au statu quo pro Moubarak, qui dissout un parlement élu et renforce un ex-premier ministre dont la révolution a voulu se débarrasser, et qui pourrait maintenant devenir président. Hier [mercredi], le Parlement a étendu les pouvoirs de la police pour leur permettre d'arrêter des civils pour des offenses mineures comme de gêner la circulation. Et maintenant, la cour retire le pouvoir administratif du pays aux civils.

Q: Peut-on parler de coup d'État militaire selon vous ?

R: Oui. Il n'y a pas de différence entre ça et ce qui est arrivé en Algérie et ailleurs. La Haute cour constitutionnelle compte des juges nommés par Moubarak, la plupart l'appuient. Ils font partie de l'élite comme les généraux, officiers militaires, politiciens, gens d'affaires, et maintenant les juges, qui veulent garder le pouvoir et qui en profitent.

Q: Est-ce que la révolution est terminée ?

R: Loin de là. Je me rends présentement à une réunion de leaders révolutionnaires. On prévoit des marches à la place Tahrir demain [aujourd'hui] et samedi. Mais pour l'instant, les actions doivent être coordonnées parce qu'un petit nombre de gens n'arrivera pas à convaincre les militaires de laisser le pouvoir aux civils. Il faut que les révolutionnaires s'unissent, au-delà de leurs idéologies.

Q: À quoi peut-on s'attendre de la présidentielle ?

R: Elle ne sera pas juste. Des manifestants demandent aux Frères musulmans de ne pas participer au processus, de ne pas le légitimer. S'ils se présentent, je crois que la participation sera faible. Le moral est à la baisse depuis quelques jours chez ceux qui espéraient du changement, particulièrement chez les jeunes qui ne veulent pas que le sacrifice de ceux qui sont morts soit vain. J'espère qu'ils iront mieux demain matin. Plusieurs disent que la révolution a été battue. Non. La révolution fait peur, mais elle n'a pas été battue.