Le procès d'une quarantaine de membres d'organisations non gouvernementales (ONG), dont des Américains, accusés de financement et d'activités illicites, s'est ouvert dimanche au Caire, en présence d'une partie seulement des prévenus et d'aucun étranger.

Le procès, qui provoque de vives tensions avec les États-Unis et soulève des questions sur l'orientation de l'Égypte post-Moubarak, a été ajourné au 26 avril après une audience d'une heure environ.

Quarante-trois membres d'ONG égyptiennes et étrangères, dont 19 Américains, sont accusés par la justice et le pouvoir d'avoir reçu des financements étrangers illégaux et d'ingérence dans les affaires politiques du pays.

Il n'y a pas eu d'arrestation et 14 prévenus seulement, uniquement des Égyptiens selon l'un d'eux, se sont présentés au tribunal pour réfuter les accusations «d'atteinte à la souveraineté de l'Égypte» énoncées par un magistrat. Ils restent en liberté jusqu'à la prochaine audience.

Des proches des inculpés ont applaudi à l'annonce du report de deux mois du procès et scandé «À bas le pouvoir militaire», en référence aux généraux qui dirigent le pays depuis la chute de Hosni Moubarak il y a un an.

«L'affaire est évidemment politique. Nous avons prouvé lors de l'enquête que nous n'avions rien fait de mal», a déclaré à l'AFP un des prévenus, Islam Chafic.

Un des avocats de la défense Tawhid Ramzi a déclaré que «ces associations ne cherchent ni à diviser l'Égypte, ni à conspirer contre le pays comme le disent les médias officiels. Elles paient le prix pour avoir cherché à sensibiliser les Égyptiens à la démocratie».

Seuls sept des 19 Américains inculpés sont présents en Égypte, selon un responsable d'une ONG, les autres ayant quitté le pays avant d'être frappés par une interdiction de sortie du territoire.

Certains, comme Sam LaHood, fils du ministre américain des Transports Ray LaHood et responsable de la section Égypte de l'International Republican Institute (IRI), ont trouvé refuge à l'ambassade des États-Unis.

Outre les Américains et les Égyptiens, il y a parmi les prévenus des Serbes, des Norvégiens, des Allemands, des Palestiniens et des Jordaniens, selon la justice égyptienne.

Des «discussions intenses» ont lieu entre Washington et le Caire pour chercher à «résoudre la situation d'ici quelques jours», a déclaré samedi sous couvert de l'anonymat un haut responsable américain.

Des élus américains ont averti que ce procès risquait d'avoir des conséquences irrémédiables sur les relations avec l'Égypte, considéré comme un partenaire capital au Moyen-Orient en raison notamment de l'accord de paix avec Israël de 1979.

Les États-Unis apportent une aide annuelle de 1,3 milliard de dollars à l'armée égyptienne.

Fin décembre, les locaux de 17 ONG spécialisées dans la promotion de la démocratie et le soutien à la société civile avaient été perquisitionnés et leurs équipements techniques et archives confisqués.

Outre l'IRI, figurent parmi ces ONG les organisations américaines National Democratic Institute (NDI) et Freedom House, ainsi que la fondation allemande Konrad Adenauer.

Ces poursuites interviennent alors que l'armée fait l'objet de critiques de plus en plus vives pour sa gestion de la transition, en particulier parmi les mouvements pro-démocratie qui ont participé au soulèvement de l'année dernière.

La législation égyptienne très restrictive pour les activités des ONG est héritée de l'époque de M. Moubarak, hostile à toute tentative de promouvoir depuis l'extérieur la démocratie et la bonne gouvernance dans son pays.

Au sein du gouvernement, l'action contre les ONG est soutenue de manière très active par la ministre de la Coopération internationale, Fayza Aboul Naga, déjà en place du temps de l'ancien président.

Les Frères musulmans, qui dominent aujourd'hui l'Assemblée, ont menacé de revoir l'accord de paix israélo-égyptien si les États-Unis décidaient de mettre fin à leur aide à l'Égypte.