Deux manifestants sont morts vendredi au Caire, asphyxiés par des gaz lacrymogènes, ont indiqué des sources médicales à l'AFP alors qu'une nouvelle flambée de violences traverse l'Égypte après le drame du match de soccer meurtrier à Port-Saïd.

Ces deux victimes ont été transportées à l'hôpital inconscientes, intoxiquées par les gaz lacrymogènes après s'être jointes aux manifestants dans la capitale, près du ministère de l'Intérieur, où la police anti-émeutes tirait ces gaz alors que les protestataires ripostaient par des jets de pierre. Le ministère de l'Intérieur a confirmé un décès.

Ces morts viennent s'ajouter à celles de deux manifestants mortellement atteints dans la nuit de jeudi à vendredi dans la ville de Suez, où plus de 30 personnes ont été blessées. Les heurts se poursuivaient vendredi à Suez également.

Un soldat, blessé devant le ministère de l'Intérieur jeudi, a succombé vendredi à l'hôpital, a rapporté l'agence de presse officielle Mena.

La rue menant au ministère était saturée de gaz lacrymogènes et les deux camps y étaient séparés par une barricade, selon un journaliste de l'AFP sur place.

Des pierres volaient dans toutes les directions alors que les fourgons de la police s'avançaient pour tirer des lacrymogènes avant de faire marche arrière.

Au lendemain de heurts qui ont fait trois morts et des centaines de blessés dans le pays, les affrontements ont repris en début d'après-midi au Caire et à Suez (nord-est), selon des correspondants de l'AFP sur place.

En début d'après-midi, le ministère de l'Intérieur a fait état de 1482 blessés dans les violences depuis jeudi.

Dans un incident isolé, des Bédouins ont enlevé deux touristes américaines et leur guide égyptien après avoir arrêté leur bus sur la route du monastère de Sainte-Catherine, dans le sud de la péninsule du Sinaï, selon des responsables de la sécurité. Les ravisseurs réclament la libération de proches emprisonnés.

Des centaines de personnes s' étaient également rassemblées pour la prière hebdomadaire sur l'emblématique place Tahrir, arborant des drapeaux et scandant des slogans hostiles au régime militaire qui gère le pays depuis la chute du régime Moubarak il y a près d'un an.

Des centaines de personnes sortant de plusieurs mosquées à travers la capitale devaient pour leur part marcher en direction du Parlement.

Des affrontements ont également repris entre policiers et manifestants à Suez, où ces violences ont fait deux morts dans la nuit de jeudi à vendredi selon des sources médicales.

Des organisations pro-démocratie ont appelé les manifestants à se rassembler en masse pour réclamer la démission immédiate du Conseil suprême des forces armées (CSFA), dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui et chargé de la délicate transition démocratique.

Déjà régulièrement accusé de mal gérer cette transition, le CSFA est désormais tenu pour responsable des violences survenues au stade de Port-Saïd (nord) mercredi après la première défaite de la saison subie par le célèbre club cairote Al-Ahly face aux mains des locaux d'Al-Masry (3-1).

Des centaines de partisans d'Al-Masry ont envahi le terrain et jeté des pierres et des bouteilles sur ceux d'Al-Ahly. Les affrontements ont fait 74 morts et des centaines de blessés, l'un des bilans les plus lourds de l'histoire du soccer.

Ce drame a déjà provoqué jeudi des manifestations dans le pays contre l'inertie des forces de sécurité, relançant la contestation contre les autorités et l'incertitude sur la transition.

Des heurts avaient eu lieu en soirée au Caire, des policiers anti-émeutes tirant des gaz lacrymogènes sur des manifestants qui leur lançaient des pierres et tentaient de s'approcher du ministère.

«Ils savent protéger un ministère, mais pas un stade!», lançaient des manifestants en colère. «Le peuple veut l'exécution du maréchal! Dégage!», criaient-ils.

Le drame de Port-Saïd «a eu lieu alors que les services de sécurité sont restés debout sans rien faire», écrit Ibrahim Mansour, un éditorialiste du journal indépendant Al-Tahrir, estimant que le CSFA «a fait la preuve de son échec».

Les Égyptiens sont de plus en plus exaspérés par le pouvoir militaire accusé de violations des droits de l'homme, et réclament depuis des mois la fin des procès de civils devant des tribunaux militaires, une refonte du ministère de l'Intérieur, et le respect des libertés et de la justice sociale.

Le CSFA s'est engagé à maintes reprises à céder ses pouvoirs aux civils après la présidentielle prévue d'ici fin juin.

Il avait avancé l'exemple des élections législatives remportées par les islamistes pour preuve de sa bonne foi. Mais cela n'a pas calmé les esprits et maintes personnalités et organisations de défense des droits de l'homme estiment que les militaires chercheront à garder certains pouvoirs.

Les «Ultras» d'Al-Ahly, groupe de partisans parmi les plus fervents et les plus organisés, ont participé à la révolte contre M. Moubarak et pris part aux manifestations hostiles à l'armée et la police, ce qui alimente sur les réseaux sociaux les soupçons d'une «vengeance» contre eux.

Le premier ministre Kamal al-Ganzouri, nommé par les militaires, a annoncé le limogeage de la direction de la fédération égyptienne de football, ainsi que la démission des principaux responsables de la ville.