Les Frères musulmans, force politique la mieux organisée d'Égypte, ont annoncé mercredi que leurs listes avaient remporté plus de 40% des voix lors de la première phase des élections marquant la rupture avec l'ère post-Moubarak, selon les résultats préliminaires.

«Les premiers résultats obtenus à l'issue du dépouillement dans la majorité des bureaux montrent que les listes du Parti de la liberté et de la justice (PLJ - issu des Frères musulmans) arrivent en tête avec plus de 40% des voix», a indiqué le PLJ dans un communiqué. Le PLJ est suivi du parti Al Nour (salafiste) et du Bloc égyptien (coalition libérale), selon le texte. Le PLJ a en outre annoncé que plusieurs de ses candidats qui se sont présentés au scrutin uninominal avaient été élus, mais que d'autres auraient à disputer le second tour prévu lundi et mardi prochains.

Les islamistes en Égypte semblent ainsi se diriger vers une victoire lors de la première phase des élections marquant le début de la transition démocratique après l'ère Moubarak et saluées comme un succès dans un contexte politique tendu.

Les résultats du premier tour des législatives seront rendus publics jeudi soir et non mercredi comme initialement prévu, a indiqué la télévision d'État.

La télévision, citant le président de la Haute commission électorale (HCE), Abdel Moez Ibrahim, a indiqué que «les résultats du premier tour des élections législatives seront annoncés jeudi soir».

M. Ibrahim avait annoncé mardi que ces résultats seraient publiés mercredi.

Chaque phase se déroule sur deux tours dans un tiers des 27 gouvernorats du pays le plus peuplé du monde arabe avec plus de 80 millions d'habitants. Le premier tour s'est ainsi tenu lundi et mardi dans neuf gouvernorats, notamment les deux plus grandes villes du pays Le Caire et Alexandrie.

La dernière phase des législatives doit s'achever le 11 janvier, suivie par des élections pour la Choura (Chambre haute consultative) étalées jusqu'au 11 mars.

La presse égyptienne de mercredi titrait déjà sur une victoire des islamistes selon «les premières indications» des centres de dépouillement.

«Les islamistes et les libéraux en tête, recul des anciens partis», titrait le quotidien gouvernemental Al Ahram.

«Les premiers signes montrent que le PLJ est crédité de 47% des voix tandis que le Bloc égyptien remporterait 22%», affirmait le journal Al Chourouq (indépendant).

Les Frères musulmans exigent que le parti qui obtiendrait la majorité parlementaire soit chargé de former le prochain gouvernement du pays, toujours dirigé par l'armée depuis la chute de Hosni Moubarak.

«C'est la majorité parlementaire qui formera le gouvernement et ce sera un gouvernement de coalition», a déclaré le président du PLJ Mohammad Moursi  mercredi, cité par le site du parti.

Réprimée et marginalisée sous Moubarak, la confrérie ne revendique pas ouvertement un «État islamique», mais son influence politique croissante inquiète les milieux laïques et coptes (chrétiens d'Égypte).

Les islamistes ont été les grands vainqueurs des élections qui se sont tenues récemment en Tunisie et au Maroc dans la foulée du Printemps arabe.

Le premier tour, salué comme un «test de la démocratie» réussi, s'est achevé mardi soir dans un tiers des gouvernorats sans accrocs, après deux semaines de manifestations massives hostiles aux militaires émaillées d'affrontements meurtriers.

Washington s'est félicité du début du scrutin, citant les impressions «positives» des observateurs indépendants américains présents, tandis que le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a «félicité le peuple d'Égypte» pour «sa détermination à réussir un changement démocratique».

La presse note toutefois des tentatives d'intimidation de la part des islamistes, à l'instar du quotidien gouvernemental Al Akhbar qui affirme que les Frères musulmans et les salafistes ont essayé «d'influencer les électeurs».

Selon Al Chourouq, des islamistes à Louxor (Haute-Égypte) et Assiout (sud), ont «menacé de déclarer infidèle toute personne votant pour le Bloc Égyptien», dont le magnat copte Naguib Sawiris est le chef de file.

La campagne électorale avait été éclipsée par une poussée de contestation du pouvoir militaire qui gouverne le pays depuis la chute de Moubarak, émaillée ces derniers jours de violences qui ont fait 42 morts et plus de 3000 blessés.

79 blessés à Tahrir après la fin du premier tour



Soixante-dix-neuf personnes ont été blessées mercredi dans des accrochages entre des manifestants sur la place Tahrir et des vendeurs ambulants, selon le ministère de la Santé, peu après la clôture dans le calme du premier tour d'élections historiques.

Les heurts ont éclaté lorsque les manifestants, qui occupent Tahrir depuis près de deux semaines, ont tenté d'expulser les vendeurs ambulants de la place. La situation a dégénéré et les deux côtés se sont lancés des pierres et des cocktails molotov, ont affirmé des témoins.

Vingt-sept personnes ont été hospitalisées, selon le ministère de la Santé.

Ces violences se sont produites quelques heures après la fin du premier tour des législatives.

Si la mobilisation, notamment sur l'emblématique place Tahrir au Caire, s'est tassée lors du scrutin, les risques d'instabilité demeurent en raison de la longue durée du processus électoral et les incertitudes de la période post-électorale.

Conspué dans la rue, le chef de l'armée au pouvoir, le maréchal Hussein Tantaoui avait annoncé une date butoir -juin 2012- pour la tenue de l'élection présidentielle après laquelle le pouvoir sera transféré à une autorité civile.

Le futur Parlement devra nommer une commission chargée de rédiger une nouvelle Constitution, une étape décisive dans la transition du pays vers la démocratie promise.