Les Européens ont appelé lundi à des réformes démocratiques en Égypte et s'apprêtent à ouvrir un nouveau chapitre de leurs relations avec la Tunisie en sanctionnant l'ex-président Ben Ali, alors que la pression de la rue se fait de plus en plus forte dans de nombreux pays arabes.

À leur arrivée à une réunion à Bruxelles, plusieurs ministres européens des Affaires étrangères ont appelé le président égyptien Hosni Moubarak à céder aux appels de la rue en faveur de plus de démocratie, sans aller cependant jusqu'à réclamer son départ.

« Nous ne pouvons pas exporter des révolutions », a souligné le Luxembourgeois Jean Asselborn. Mais, que ce soit en Égypte ou en Tunisie, l'Union européenne peut apporter au moins une aide matérielle à l'organisation d'élections « libres et qui puissent donner la chance d'un nouveau départ dans ces pays », a-t-il dit.

Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans et principal allié des Occidentaux dans le monde arabe, doit « poursuivre les réformes comme le réclame le peuple », a jugé le Chypriote Markos Kyprianou, assurant que « l'UE sera prête à soutenir l'Égypte dans ce processus de transition ».

« Ce qui est nécessaire, c'est que les manifestants pacifiques sentent que l'Europe et la communauté internationale sont derrière eux », a souligné l'Italien Franco Frattini pour qui l'UE doit « encourager une transition ordonnée vers une situation plus démocratique, tout en évitant d'interférer » dans les décisions souveraines du peuple.

Ces appels interviennent alors que l'Europe est critiquée pour avoir trop longtemps fermé les yeux sur les atteintes à la démocratie chez ses voisins de la rive sud de la Méditerranée.

Trop « focalisés dans le passé sur la politique étrangère des nombreux pays arabes, nous avons un peu oublié que des gens vivent là, qui veulent aussi la démocratie, et le droit de se déterminer eux-mêmes », a admis lundi Jean Asselborn.

De fait, croyant à tort que « statu quo est synonyme de stabilité », les Européens ont longtemps évité de critiquer trop sévèrement le régime répressif tunisien de Zine El Abidine Ben Ali et ont été surpris par la « révolution de jasmin » qui a précipité sa chute, relève Rosa Balfour, analyste à l'European Policy Centre (EPC).

Les Européens avaient même accepté, en mai 2010, d'ouvrir avec la Tunisie de Ben Ali des négociations en vue de lui octroyer un « statut avancé » qui donne notamment droit à des préférences commerciales.

Ces pourparlers devraient désormais reprendre avec le nouveau gouvernement tunisien, dont le chef de la diplomatie est attendu mercredi à Bruxelles pour ce qui devrait être sa première visite à l'étranger.

Lundi, alors qu'une mission d'experts européens est partie pour Tunis, les ministres européens des Affaires étrangères vont également décider de geler les avoirs de Ben Ali et de sa femme. La décision de principe devait être entérinée en début d'après-midi, selon des diplomates.

Et une liste comportant « plusieurs dizaines de noms » de proches de l'ex-président pourrait être adoptée dans les jours qui viennent, précise un diplomate.

Les Européens restent inquiets face à l'instabilité de l'ensemble de la région, alors que des manifestations ont aussi lieu, outre l'Égypte, au Yémen notamment. Le ministre yéménite des Affaires étrangères est d'ailleurs attendu aussi mercredi à Bruxelles.

« Nous avons des défis dans l'ensemble de notre voisinage », a résumé le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt, « de Minsk à Tirana jusqu'au Caire et à Tunis. Et c'est l'UE qui est l'acteur qui peut être en mesure d'apporter l'État de droit et la stabilité dans cette région, personne d'autre ».