«Le peuple veut la chute du régime», lancent à pleins poumons des milliers d'Égyptiens en colère, qui dévalent comme un torrent dans les rues du Caire, quadrillées par la police après la traditionnelle prière du vendredi.

La fin de la prière a sonné comme le début d'une grande course contre le pouvoir, des milliers de personnes prenant d'assaut les rues sous les applaudissements nourris des passants pour exiger la fin du régime du président Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans.

«Liberté! liberté! liberté», scandent les manifestants, majoritairement des hommes, sous les regards ahuris de policiers déployés avec boucliers et casques à visière, près de la célèbre mosquée al-Azhar dans le quartier historique de Khan al-Khalili.

«Moubarak est un dictateur, nous voulons sa chute. Ce n'est plus le temps des réformes. Les gens en ont marre. La situation économique devient intenable», souffle Ahmed, un jeune avocat qui marche avec les manifestants.

La police a fermé la rue qui traverse le coeur de la capitale égyptienne, littéralement prise d'assaut par les manifestants, jeunes et vieux, laïcs et islamistes confondus.

«Nous sommes ici réunis, les forces nationales, et les Frères musulmans, pour dire au pouvoir que nous en avons assez», lance Mohammed al-Mansour, trentenaire au teint hâlé et aux yeux bleus, vêtu d'un manteau cachemire couleur sable pour se protéger du vent frais.

Les manifestants jouaient au chat et à la souris avec les policiers qui semblaient sur le point d'intervenir, provoquant de brefs moments de panique dans la foule.

Des manifestants se sont massés sur les ponts autoroutiers enjambant l'artère principale de la capitale, alors que des commerçants avaient fermé boutique.

«Nous avons fermé notre commerce, nous avons peur que la situation ne dérape», explique Hamzaoui, un marchand de tissus dans le souk de Khan al-Khalili.

Les Frères musulmans, principale force de l'opposition, et Mohamed ElBaradei, l'opposant le plus en vue, ont participé à ce «vendredi de la colère,» point d'orgue de quatre jours de manifestations ayant fait sept morts et des dizaines de blessés. La police a fait usage de gaz lacrymogènes, balles caoutchoutées, voire canons à eau dans certains quartiers du Caire et à Alexandrie.

«Nous avons pris la rue à la sortie de la mosquée Moustafa Mahmoud (dans le quartier Mohandessine) et sommes venus ici» dans le quartier de Dokki, raconte Akram Ismaïl, un jeune manifestant. «La police nous a laissé marcher jusqu'ici, mais elle nous bombarde à présent de gaz lacrymogènes», ajoute-t-il.

Des manifestants le visage humecté de larmes étaient assis en bordure de la rue, alors que les policiers semblaient avoir perdu le contrôle de la situation dans ce quartier.