Les autorités canadiennes ont identifié pratiquement 4,3 milliards $ en avoirs suspects appartenant à des dictateurs, des responsables présumément corrompus et à d'autres individus en lien avec le printemps arabe, révèlent des documents récemment divulgués.

Une note de breffage de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affirme que la division de la politique fédérale de la police nationale a travaillé avec les ministères des Affaires étrangères et de la Sécurité publique, des services de renseignement et des banques canadiennes pour «identifier et geler» les biens.

La note, obtenue par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, révèle jusqu'à quel point des responsables canadiens ont travaillé en coulisse pour tarir les sources financières de dictatures arabes.

Ces agences et ministères se sont appuyés sur une série de sanctions et d'outils législatifs pour geler des fonds et des biens appartenant à des régimes renversés en Égypte, en Libye et en Tunisie, ainsi qu'en Syrie, où le leadership a jusqu'à maintenant résisté à l'intense pression de ses opposants. Certaines enquêtes se poursuivent. Toutefois, des lois sur la protection de la vie privée et la confidentialité entourant les efforts d'enquête font en sorte que seule une portion des 4,3 milliards $ peut faire l'objet de discussions et de précisions publiques.

Aux Affaires étrangères, on affirme que la vaste majorité des 2,2 milliards $ gelés par le Canada en vertu des sanctions de la Loi des Nations unies avaient été remis au Comité de transition national libyen à la suite de la chute du régime de Mouammar Kadhafi.

Un montant non précisé, saisi en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, a également été rendu en septembre dernier. Cette loi permet au cabinet d'imposer des sanctions lorsqu'un «grave manquement à la paix et la sécurité mondiale» est survenu, et provoquera vraisemblablement une crise sérieuse.

En ce qui concerne l'Égypte et la Tunisie, les autorités se sont concentrées sur des propriétés résidentielles évaluées à 2,55 millions $ et à des comptes bancaires contenant 122 000$ en utilisant la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. Comme son nom le laisse entendre, cette loi offre à Ottawa la possibilité, à la demande d'un autre État, de geler temporairement les biens que des anciens dictateurs et leurs proches ont déposés au Canada.

«L'enquête pour identifier les biens se poursuit, a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères Jean-Bruno Villeneuve. Nous travaillons avec les deux pays pour remettre des biens à leurs citoyens, mais nous avons besoin de plus d'informations de la part des Tunisiens et des Égyptiens pour le faire en vertu des lois canadiennes.»

Le caporal Stéphane Gagné, de la GRC, a confirmé que les enquêtes se poursuivaient.

«Dans certains de ces dossiers, la balle est dans le camp de l'autre pays.»

La loi donne essentiellement du temps aux nouveaux gouvernements pour «mettre leurs affaires en ordre» et démontrer au Canada que les responsables corrompus en question possédaient véritablement les biens, pavant généralement la voie vers la remise des sommes au nouveau gouvernement, a dit M. Gagné.

Pour des raisons de protection de la vie privée et de confidentialité commerciale, les Affaires étrangères n'ont pas pu donner de détails sur ces sommes. Des biens non identifiés liés à la Syrie ont également été gelés en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales.

Dans certains cas, les montants identifiés par les autorités et les banques canadiennes ont finalement été dégelés et ont pu être utilisés par leurs propriétaires. Par exemple, a dit M. Gagné, des «Canadiens honnêtes» travaillant en Libye ont vu leurs chèques de paie gelés temporairement.