Des responsables américains ont accusé les Émirats arabes unis d'avoir mené secrètement des frappes aériennes contre des miliciens islamistes en Libye, où règne la confusion avec la perspective de la formation d'un gouvernement pro-islamiste rival de celui exilé dans l'extrême est du pays.

Les déclarations américaines sont survenues lundi au moment où le pouvoir reconnu internationalement -le Parlement élu et l'exécutif provisoire- était directement défié par les islamistes qui veulent former un gouvernement alternatif après avoir réussi, selon toute vraisemblance, à prendre l'aéroport stratégique de Tripoli à leurs adversaires nationalistes.

«Les Émirats arabes unis ont mené ces raids», ont indiqué à l'AFP deux responsables américains, après une information du New York Times qui recoupait les accusations de miliciens islamistes.

Ces derniers ont pointé du doigt dès samedi les Émirats arabes unis et l'Égypte, les accusant d'avoir voulu par ces frappes alléger la pression militaire qu'ils exerçaient sur les miliciens nationalistes qui tenaient l'aéroport.

L'Égypte a démenti le lendemain toute implication dans ces deux séries de raids. Les Émirats arabes unis n'ont pas réagi sur le moment et continuaient mardi d'observer un mutisme total sur cette question.

Les deux pays, alliés dans la lutte contre les islamistes, ont organisé cette année des manoeuvres militaires conjointes aux Émirats. Abdel Fattah al-Sissi, alors chef de l'armée égyptienne, avait assisté à cet exercice, avant son élection fin mai à la présidence.

«Escalade»

Lundi, les États-Unis et leurs alliés européens se sont alarmés d'une «escalade» du conflit en Libye, plongé dans le chaos depuis la chute en 2011 du régime de Mouammar Kadhafi, renversé par une rébellion soutenue militairement par les pays occidentaux.

Dans un communiqué commun, Washington, Paris, Londres, Berlin et Rome ont condamné les «interférences extérieures en Libye qui exacerbent les divisions». Dénonçant l'«escalade des combats et des violences», ils ont réclamé la poursuite de la «transition démocratique».

Capitalisant sur leur succès militaire à Tripoli, les miliciens islamistes de la coalition «Fajr Libya» (Aube de la Libye) ont obtenu une réunion lundi de l'Assemblée sortante, le Conseil général national (CGN - à dominante islamiste), dont le mandat a théoriquement expiré avec l'élection le 25 juin d'un nouveau Parlement.

Estimant que cette assemblée -dominée par les non-islamistes- et le gouvernement provisoire ont perdu «toute légitimité» après avoir appelé à une intervention étrangère pour l'aider à lutter contre les milices, le CGN a chargé une personnalité pro-islamiste, Omar al-Hassi, de former un «gouvernement de salut national» en l'espace d'une semaine.

Le chef du gouvernement provisoire, Abdallah al-Theni, a aussitôt qualifié d'«illégales» la réunion du CGN et ses décisions.

Il a dénoncé les exactions de miliciens islamistes à Tripoli, qui n'ont pas hésité selon lui à piller et incendier sa résidence dans la capitale.

Pour se soustraire aux pressions des groupes armés, le Parlement et le gouvernement provisoire ont choisi de siéger à Tobrouk, à 1600 km à l'est de Tripoli, mais leurs adversaires leur reprochent de se couper ainsi de la réalité du pays où les milices armées règnent en maîtres.

Les islamistes se démarquent des jihadistes

Souvent accusés de collusion avec les jihadistes, les islamistes de Fajr Libya ont pris leur distance avec le groupe Ansar Asharia qui rejette la démocratie comme modèle de gouvernement et souhaite appliquer la loi islamique dans le pays.

Fajr Libya a affirmé, dans un communiqué, «respecter la Constitution et l'alternance pacifique du pouvoir», après avoir été invité par Ansar Asharia à rejoindre ses rangs.

Plus encore, il a proposé de collaborer avec les forces de sécurité pour sécuriser Tripoli et protéger les ressortissants étrangers.

Ansar Asharia et Fajr Libya ont tous deux été qualifiés ce week-end de «terroristes» par le Parlement élu qui a annoncé son intention de renforcer l'armée pour les éradiquer.

Ansar Asharia, classé «groupe terroriste» par les États-Unis, contrôle 80% de Benghazi, à 1000 km à l'est de Tripoli, où il résiste à une offensive déclenchée contre lui par le général dissident Khalifa Haftar.

Washington accuse Ansar Asharia d'avoir mené en 2012 une attaque contre sa mission diplomatique à Benghazi, qui avait coûté la vie à l'ambassadeur Christopher Stevens et à trois autres Américains.