Des groupes islamistes ont pris la principale base de l'armée à Benghazi dans l'Est libyen après des combats ayant tué des dizaines de soldats, au moment où la capitale Tripoli restait menacée mercredi par un immense incendie sur un site de carburant provoqué par des roquettes.

Face à ce chaos, le nouveau Parlement issu des élections du 25 juin a décidé de se réunir d'urgence samedi à Tobrouk, avançant de 48 heures la séance inaugurale prévue le 4 août à Benghazi, ville devenue trop dangereuse.

Mais, signe de la confusion qui règne dans le pays, le président du Congrès général national (CGN), le Parlement sortant, Nouri Abou Sahamein, a maintenu l'invitation de la nouvelle Chambre des représentants à une première réunion le 4 août, cette fois-ci à Tripoli.

Depuis la chute en 2011 du dictateur Mouammar Kadhafi, chassé du pouvoir par une rébellion soutenue par les Occidentaux, les autorités libyennes sont déchirées par des luttes d'influence, et ne parviennent pas à contrôler les dizaines de milices formées d'ex-rebelles qui font la loi en l'absence d'une armée et d'une police bien structurées et entraînées.

Attestant du chaos qui règne, une infirmière philippine a été enlevée pendant quelques heures à Tripoli et violée, selon des sources médicales et de sécurité.

Face à l'escalade, surtout dans la capitale, plusieurs États étrangers, notamment occidentaux, ont évacué leurs ressortissants ou leur personnel diplomatique. Ces dernières 24 heures, une cinquantaine de Français et de Britanniques ont été évacués par bateau.

35 cadavres

Après plusieurs jours de combats à Benghazi, berceau de la révolte contre le régime Kadhafi, une coalition de groupes islamistes et jihadistes, le «Conseil de Choura des révolutionnaires de Benghazi» s'est emparé mardi soir du QG des forces spéciales.

Cette brigade de l'armée régulière a annoncé il y a quelques mois son soutien aux opérations du général dissident Khalifa Haftar, sans toutefois se placer sous son commandement.

Ce général à la retraite mène depuis le 16 mai une offensive contre les groupes islamistes, qu'il qualifie de «terroristes», à Benghazi.

Une source militaire a confirmé la chute de la base dans cette deuxième ville de Libye, aux mains de ces groupes, dont Ansar Asharia, classé organisation «terroriste» par Washington.

Le Croissant rouge libyen a annoncé avoir retiré 35 corps de soldats de la base, affirmant qu'il y avait plus de cadavres, mais sans pouvoir de donner un chiffre global précis.

Sur sa page Facebook, Ansar Asharia a publié des photos de son «butin» après la prise de la base : des dizaines d'armes et des caisses de munitions.

Depuis samedi les combats entre milices islamistes et forces armées dans plusieurs secteurs de Benghazi, dont celui de la base, ont fait quelque 90 morts, parmi lesquels les 35 victimes, dont les corps ont été retirés mercredi, selon un bilan provisoire fourni par des sources médicales locales.

Des tirs intermittents continuaient d'être entendus mercredi en plusieurs endroits de la ville.

Mais dans la soirée, des dizaines de manifestants ont réussi à chasser pacifiquement les membres du «Conseil de Choura des révolutionnaires de Benghazi» de l'hôpital Al-Jala de Bengahzi qu'ils contrôlaient, selon un correspondant de l'AFP.

Tripoli quasi-paralysée

Dans la capitale libyenne, les pompiers tentaient, non sans grande peine, d'éteindre l'incendie qui ravageait mercredi pour la quatrième journée consécutive un immense dépôt de stockage d'hydrocarbures, provoqué par des roquettes tirées lors d'affrontements entre milices rivales.

Ces combats, les plus violents en près de trois ans à Tripoli, ont fait depuis leur début le 13 juillet dans le sud de la capitale et en particulier autour de l'aéroport, une centaine de morts et 400 blessés. L'aéroport est fermé depuis.

Le dépôt contenant plus de 90 millions de litres de carburant, ainsi qu'une cuve de gaz ménager, les autorités craignent «une catastrophe humaine et environnementale».

Les opérations d'extinction du feu avaient été interrompues par moments en raison des combats.

Les affrontements ont éclaté après une attaque menée par des combattants islamistes et d'ex-rebelles de la ville de Misrata (est de Tripoli) qui tentent de chasser de l'aéroport leurs anciens compagnons d'armes originaires de Zenten (ouest).

Pour les analystes, ces combats font partie d'une lutte d'influence entre régions, mais aussi entre courants politiques.

La semaine dernière, le gouvernement libyen a mis en garde contre «l'effondrement de l'État».

En effet, les combats ont quasiment paralysé la capitale, où banques et administrations sont fermées. Des pénuries de carburant et d'électricité ainsi que des coupures d'eau empoisonnent la vie quotidienne des habitants.