Les islamistes du Parti pour la Justice et la construction (PJC) ont annoncé mardi le retrait de leurs ministres du gouvernement d'Ali Zeidan, critiqué notamment sur le dossier de la sécurité.

Le PJC a annoncé dans un communiqué «le retrait de ses ministres du gouvernement d'Ali Zeidan» ajoutant qu'il faisait «porter la totale responsabilité à la partie soutenant le gouvernement», après avoir échoué à obtenir un retrait de confiance à ce cabinet devant le Congrès général national (CGN, équivalent du Parlement).

Le PJC estime que le gouvernement n'est «pas capable d'amener le pays à bon port», ajoutant qu'il avait échoué dans les principaux dossiers de la période de transition.

Le PJC, bras politique des Frères musulmans libyens, détenait cinq des 32 portefeuilles du gouvernement, ceux du Pétrole, de l'Électricité, de l'Habitat, de l'Économie et des Sports.

Une centaine de membres du CGN ont annoncé mardi avoir échoué à retirer la confiance au gouvernement d'Ali Zeidan, en l'appelant à démissionner pour éviter une aggravation de la crise dans le pays.

Dans un communiqué signé par 99 membres du CGN, les détracteurs du premier ministre ont reconnu ne pas avoir réuni les 120 voix nécessaires à un retrait de confiance, après trois semaines de tractations entre différents blocs politiques du Congrès.

Ils ont précisé devant la presse que les tractations en vue d'atteindre le quorum pour faire tomber le gouvernement allaient se poursuivre.

La plupart des signataires du communiqué sont membres de blocs politiques d'obédience islamiste.

Selon le texte, leur demande est motivée par l'«échec cuisant» du gouvernement dans les dossiers de la sécurité, des réformes administratives en vue d'une décentralisation et des ports pétroliers dans l'est du pays, bloqués par des protestataires depuis plusieurs mois.

Les signataires affirment que la confiance a été «politiquement» retirée au gouvernement, avec les 99 signatures favorables à sa chute, sur les 194 membres que compte le Congrès.

Comptant sur l'appui des membres du parti libéral de l'Alliance des forces nationales (AFN, libérale), M. Zeidan a affirmé à nouveau mardi qu'il ne démissionnerait pas.

Dans une déclaration à la chaîne privée Libya al-Ahrar, M. Zeidan a accusé à nouveau les Frères musulmans d'être derrière les initiatives visant à déstabiliser le gouvernement.

Cinq morts à l'ouest de Tripoli

Au moins cinq personnes ont été tuées et une vingtaine blessées lundi à l'ouest de Tripoli, dans des affrontements entre ex-rebelles et groupes armés accusés d'être des partisans du régime déchu de Mouammar Kadhafi, selon une source médicale.

Cinq morts ont été transportés à l'hôpital Abou Slim à Tripoli, a déclaré le docteur Khaled al-Bouzidi à la chaîne privée al-Naba, faisant état en outre de 20 à 25 blessés admis dans son établissement. Parmi ces victimes, trois personnes avaient été «sommairement exécutées, les mains ligotées», a-t-il ajouté.

Selon des sources des services de sécurité, une opération militaire a été lancée contre des «bandes armées», comptant dans leurs rangs des partisans du régime de Mouammar Kadhafi, tué en octobre 2011. Les combats se déroulent autour de la banlieue de Ouerchefana, considérée comme un fief des pro-Kadhafi. Des ex-rebelles qui avaient combattu l'ancien régime en 2011 participent à l'opération.

Selon des habitants de la banlieue ouest de la capitale, des explosions et des tirs nourris étaient entendus dans la région tout au long de la journée.

Des affrontements similaires se déroulent dans le sud du pays où des partisans de l'ancien régime avaient pris dimanche le contrôle d'une base aérienne à Sebha, avant d'en être chassés par l'armée, selon le ministère de la Défense.

Peu de progrès sur les droits de l'homme, selon HRW

La Libye n'est pas parvenue à faire des progrès sur le chapitre des droits de l'homme, plus de deux ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, a estimé Human Right Watch (HRW), dans son rapport annuel publié mardi.

«La Libye ne parvient pas à instaurer l'État de droit et à protéger les droits des citoyens, au moment où le pays sombre dans l'anarchie», a estimé l'organisation de défense des droits de l'homme dans son chapitre consacré à la Libye.

HRW reconnaît que le gouvernement dispose de «capacité limitée à contenir les centaines de milices armées responsable d'abus en dehors de tout contrôle du gouvernement».

L'organisation souligne toutefois que les autorités de transition sont en mesure de faire des progrès sur «les réformes des lois répressives qui violent les droits de l'homme et entravent la transition démocratique dans le pays».

Ainsi, HRW a exhorté le gouvernement à modifier des lois qui imposent la peine de mort, restreignent notamment la liberté d'expression et consacrent la discrimination contre les femmes.

L'organisation estime que «le Code pénal impose également des peines sévères pour une série de crimes vaguement définis , comme «offense» envers un fonctionnaire ou «insultes» des autorités.

Elle dénonce par ailleurs des dizaines d'assassinats à Benghazi et Derna, dans l'est du pays, ayant visé des juges, des militants activistes politiques et des membres des forces de sécurité.

«Les autorités n'ont pas conclu des enquêtes sur les assassinats à motivation politique, les attaques contre des manifestants à Benghazi et à Tripoli, et contre les journalistes et les missions diplomatiques étrangères, évoquant le manque de ressources et de la situation de sécurité précaire», a-t-on ajouté de même source.

Au volet de la liberté d'expression, HRW a dénoncé des menaces et agressions contre des dizaines de journalistes principalement à Tripoli et à Benghazi.

Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi, tué en octobre 2011, les autorités de transitions ont échoué à dissoudre des milices formées par les rebelles ayant combattu le régime kadhafiste.

Ces milices aux diverses motivations font la loi dans le pays et sont accusées régulièrement de violations des droits de l'homme, torture, détentions arbitraires et exécutions extra-judiciaires.