La justice libyenne a inculpé jeudi une trentaine des principaux responsables du régime déchu de Mouammar Kadhafi, dont son fils Saïf al-Islam et son ex-chef de renseignements Abdallah al-Senoussi, pour la répression de la révolte de 2011.

Le procès de ces dignitaires du régime renversé après plus de quatre décennies au pouvoir sera le plus important dans l'histoire de la Libye.

«Les principaux chefs d'accusation portant sur la répression de la révolte de 2011 ont été retenus», a déclaré le porte-parole du bureau du Procureur, Seddik al-Sour, peu après la comparution d'une dizaine des accusés devant une chambre d'accusation à Tripoli.

La chambre d'accusation a décidé de les renvoyer «devant le tribunal pénal de Tripoli», à l'issue d'une audience à huis clos, a ajouté M. Sour lors d'une conférence de presse.

Le début de leur procès «sera fixé par le président du tribunal pénal de Tripoli», a-t-il précisé.

Une dizaine de chefs d'accusation ont été retenus contre ces responsables, dont assassinats, pillage et sabotage, actes portant atteinte à l'union nationale, trafic de drogue, complicité dans l'incitation au viol, d'enlèvement et dilapidation des deniers publics.

Insécurité et violences

Seule une dizaine des accusés ont comparu jeudi, a indiqué à l'AFP un avocat présent à l'audience de la chambre d'accusation dans un complexe judiciaire et pénitencier à Tripoli, placé sous haute surveillance.

La présence des accusés n'était «pas obligatoire», a indiqué M. Sour, en expliquant que la comparution de certains d'entre eux «aurait exigé des dispositions sécuritaires exceptionnelles».

Mais il a souligné que leur présence serait «obligatoire devant le tribunal pénal».

La plupart des accusés ont été arrêtés après la chute du régime de Mouammar Kadhafi capturé par des rebelles puis tué le 20 octobre 2011, à l'issue d'un conflit armé meurtrier de huit mois déclenché par une contestation violemment réprimée.

Deux ans plus tard, les autorités de transition peinent toujours à rétablir l'ordre dans le pays en proie à l'anarchie et aux violences comme en témoigne encore la mort jeudi d'un officier de l'armée abattu par des hommes armés à Benghazi (est).

Lors de leur première comparution devant la chambre d'accusation en septembre, les accusés avaient plaidé non coupables.

La chambre d'accusation avait le pouvoir, selon la loi, de rejeter les accusations portées contre eux, les accepter ou demander un complément d'enquête, après l'examen de quelque 40 000 documents et 4000 pages d'interrogatoire.

Saïf al-Islam Kadhafi, détenu par des ex-rebelles à Zenten (ouest) depuis son arrestation dans le sud du pays en novembre 2011, n'a pas comparu à Tripoli.

Les autorités de transition ont en vain tenté de négocier son transfert à Tripoli.

Doutes sur un procès équitable

L'ex-chef de renseignements Abdallah al-Senoussi et l'ancien premier ministre al-Baghdadi al-Mahmoudi figurent parmi les accusés.

Saïf al-Islam et M. Senoussi font l'objet de mandats d'arrêt internationaux de la Cour pénale internationale (CPI) qui les soupçonne de crimes contre l'humanité lors de la révolte de 2011.

Tandis que la CPI tient toujours à juger Saïf al-Islam, elle a décidé, le 11 octobre, d'autoriser la Libye à juger M. Senoussi.

«La justice libyenne a prouvé qu'elle était capable de tenir des procès équitables», s'est félicité M. Sour à Tripoli.

La Libye est régulièrement épinglée par les organisations de défense des droits de l'homme sur les centres de détention gérés par des milices armées et où des exactions sont fréquemment rapportées.

Amnistie Internationale a mis en garde récemment les autorités contre les risques de recours à la justice comme outil «de vengeance», après la condamnation à mort d'un ex-ministre de Mouammar Kadhafi en août.

Amnistie a émis des doutes sur le déroulement d'un procès «équitable» en Libye où l'insécurité persiste avec des «menaces» contre «les institutions de l'État, les tribunaux, les avocats, les juges et les procureurs».

Enfin, des dizaines de membres de familles des victimes du massacre de la prison d'Abou Salim en 1996, se sont à nouveau rassemblés jeudi devant le tribunal à Tripoli pour réclamer la tête de M. Senoussi, accusé d'avoir commandité une fusillade dans cette prison ayant coûté la vie à 1200 détenus politiques.

M. Sour a précisé que cette affaire ferait l'objet d'une procédure judiciaire séparée.