Le raid américain pour capturer ce week-end un dirigeant présumé d'al-Qaïda sur le sol libyen soulève la question de la légalité d'une telle action alors que Barack Obama et les autorités américaines restent floues sur la question.

Samedi, les forces spéciales américaines ont capturé à Tripoli Abou Anas al-Libi, un Libyen figurant sur la liste des personnes les plus recherchées par la police fédérale américaine (FBI). Celui-ci a été amené sur un navire de l'US Navy pour y être interrogé.

Interrogé mardi par l'AFP lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche sur la légalité de ce raid, M. Obama n'a pas répondu explicitement à la question mais il a précisé que le suspect était responsable de «la mort de centaines de personnes, dont beaucoup d'Américains». «Nous avons des preuves sérieuses de cela et il sera traduit en justice», a déclaré le président américain.

La Libye a dénoncé «un enlèvement» et Tripoli a enjoint Washington de lui remettre «immédiatement» le suspect. L'ambassadrice américaine à Tripoli a aussi été convoquée pour s'expliquer.

Les États-Unis ont refusé de dire s'ils avaient demandé la permission d'intervenir au gouvernement libyen, mais ont insisté sur le fait que l'opération était légale.

«Nous préférons agir en partenariat avec les pays où ce genre d'actions se déroulent lorsque c'est possible (...) mais nous n'allons pas sous-traiter notre défense», a déclaré M. Obama.

Le secrétaire d'État John Kerry a rappelé que le suspect avait été inculpé par un tribunal new-yorkais il y a déjà 13 ans pour son implication dans les attentats de 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, qui avaient fait plus de 200 morts.

L'administration Obama a justifié ce raid en Libye en mettant en avant l'autorisation donnée en 2001 par le Congrès américain d'utiliser la force contre toute nation, groupe ou personne impliquée dans les attentats du 11 septembre 2001.

Cependant, au regard des lois internationales, la légitimité de l'opération est moins claire. L'article 2(4) de la Charte des Nations unies interdit par exemple aux nations de faire usage de menaces ou de la force contre d'autres États.

«Similaire aux arguments de l'administration Bush»

Selon Robert Turner, professeur à l'Université de droit de Virginie, les États-Unis ont pu recevoir une approbation tacite du pouvoir libyen, malgré ses dénégations publiques.

«Cela ne me surprendrait pas beaucoup que les États-Unis aient reçu une autorisation des autorités libyennes, et si c'est le cas c'est une base légale parfaite», a souligné M. Turner. «Le raid aurait aussi une base légale, bien que controversée, si la personne arrêtée est toujours impliquée dans une organisation terroriste».

Toutefois, souligne M. Turner, il est indispensable que les États-Unis présentent une base juridique pour appuyer leur action: «Si on commence à dire que ces obligations légales ne comptent pas parce que nous sommes +le plus gros gorille du zoo+, alors nous n'aurons plus beaucoup de légitimité pour dire aux Iraniens ou aux Nord-Coréens, ou à quiconque, qu'ils doivent observer leurs obligations légales de non prolifération par exemple», a poursuivi Robert Turner.

Par le passé l'administration Obama a procédé de même avec Ahmed Arsame, un Somalien soupçonné d'être lié à al-Qaïda, qui avait été amené à New York pour y être jugé après avoir été interrogé durant deux mois sur le navire USS Boxer.

L'article 22 de la troisième convention de Genève sur le droit de la guerre interdit toutefois de garder des prisonniers à bord d'un navire.

«Le même type de questions juridiques surviennent ici, l'administration semble se reposer sur des motifs de guerre pour échapper aux contraintes qui s'appliquent dans le système judiciaire normal», a noté de son côté Hina Shamsi, directrice de l'Union américaine pour les libertés civiles.

Les justifications de l'administration Obama sont «très similaires aux arguments sur lesquels s'appuyait l'administration Bush, même si l'administration Obama semble plus décidée à faire juger ces suspects plutôt qu'à les détenir à long terme à Guantanamo ou sur d'autres sites», a conclu Matthew Waxman, professeur à la Columbia Law School.