La Libye a rendu hommage dimanche à un farouche opposant à Mouammar Kadhafi qui n'avait plus donné signe de vie depuis sa disparition au Caire en 1993. Le corps de Mansour al-Kikhia a été retrouvé, 19 ans plus tard dans une villa des services de renseignement de l'ex-régime.

M. al-Kikhia doit être enterré lundi dans sa ville natale de Benghazi, dans l'est de la Libye, selon les autorités.

Mohamed al-Megaryef, le président de l'Assemblée nationale et Ali Zeidan, le chef du gouvernement, qui avaient côtoyé Mansour al-Kikhia durant les années d'exil, ont salué la mémoire de ce «militant» des droits de l'Homme, au cours d'une cérémonie rendant hommage au «martyr de la liberté» en présence de sa famille, de hauts responsables libyens et des représentants du corps diplomatique à Tripoli.

«Les valeurs et principes de justice, de démocratie, de tolérance et coexistence pacifique pour lesquels il a milité sont mis en oeuvre en Libye grâce à la révolution du 17 février» qui a provoqué la chute du régime de Mouammar Kadhafi, a déclaré M. Megaryef, visiblement ému.

M. Zeidan a rappelé de son côté que M. al-Kikhia avait fondé la Ligue libyenne des droits de l'Homme et a été enlevé au moment où il représentait cette organisation dans une réunion au Caire, le 10 décembre 1993.

Au cours de la cérémonie, les orateurs ont lancé des appels pour que les responsables de l'enlèvement de M. al-Kikhia en Libye et en Égypte soient traduits devant la justice.

Selon son frère Mahmoud, la dépouille de Mansour al-Kikhia a été découverte mi-octobre dans une morgue à l'intérieur d'une villa à Tripoli, qui appartenait aux services de renseignement militaires du régime Kadhafi.

«L'analyse de l'ADN a prouvé que le corps retrouvé est compatible avec celui des frères et des fils de Mansour al-Kikhia», a-t-il affirmé.

Il a précisé que c'est Abdallah al-Senoussi, ex-chef de renseignements sous Mouammar Kadhafi actuellement emprisonné par les nouvelles autorités, qui «a reconnu l'enlèvement de Mansour et indiqué par la même occasion le lieu où se trouvait sa dépouille».

Né en 1931 à Benghazi, al-Kikhia avait entamé une carrière de diplomate sous la monarchie. Ambassadeur à Paris puis à Alger, il était devenu le représentant de la Libye auprès des Nations unies en 1965.

Kadhafi le nomma ministre des Affaires étrangères en 1972. Huit ans plus tard, revenu à ses fonctions onusiennes, il quittait l'ancien «Guide» et passait à l'opposition.

Durant les années 1990, Mouammar Kadhafi avait lancé une campagne visant à  liquider plusieurs opposants dans des pays arabes et occidentaux.

Après l'enlèvement de Mansour al-Kikhia, les services de renseignement libyens avaient été pointés du doigt et une implication du régime égyptien fut évoquée, mais en l'absence de preuves, la disparition de cet opposant est restée un mystère.

Mohamed al-Mufti, beau-frère de Mansour al-Kikhia qui a participé à l'identification du corps, a affirmé avoir «reconnu Mansour au premier coup d'oeil bien que le long séjour dans la morgue ait modifié les traits du visage», a-t-il dit.

M. al-Mufti a précisé qu'avant sa mort, al-Kikhia avait été emprisonné durant quatre ans.

Citant des révélations faites aux autorités par Abdallah al-Senoussi, M. al-Mufti a précisé que Kadhafi n'a pas cherché à enterrer le corps durant toutes ces années, après que des «charlatans lui ont conseillé de ne pas l'enterrer pour qu'il ne subisse pas le même sort»

«Bien que la mort de Mansour semble naturelle étant donné qu'il était malade avant son emprisonnement (...) des doutes subsistent», a-t-il dit.

Mahmoud al-Kikhia a souligné de son côté que des traces de coups de couteau ont été constatées sur la poitrine du défunt.

«Un nouveau rapport médico-légal sera établi pour expliquer les causes du décès», a-t-il dit.