Le Congrès général national (CGN) issu des élections du 7 juillet, qui a pris mercredi le pouvoir en Libye, a élu jeudi à sa présidence un éminent opposant de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, considéré comme proche des islamistes.

Mohamed al-Megaryef, qui était dirigeant du Front de salut national libyen, une formation politique à l'étranger qui regroupait les opposants en exil au dictateur Mouammar Kadhafi, a gagné avec 113 voix contre 85 pour Ali Zidane, un membre indépendant aux tendances libérales.

Cinq membres du CGN s'étaient présentés pour le poste. M. Megaryef l'a emporté au terme d'un deuxième tour. Pour être élu, le candidat devait obtenir plus de 100 voix, selon le règlement de ces élections internes adopté jeudi dans la journée.

Né en 1940 à Benghazi (est), M. Megaryef, qui prône un islam modéré, avait été élu membre du CGN sous la bannière de sa formation rebaptisée Parti du front national.

Diplômé en économie et titulaire d'un doctorat en Finances de Grande-Bretagne, M. Megaryef avait occupé des postes de responsabilité sous le régime de Mouammar Kadhafi dans les années 1970.

En 1980, il avait démissionné de son poste d'ambassadeur de Libye en Inde, pour rejoindre l'opposition en exil et fonder avec d'autres dissidents le Front de salut national libyen.

Traqué par les services de renseignement de Mouammar Kadhafi, il avait passé 20 ans aux Etats-Unis en tant que réfugié politique, avant de rentrer au pays dans la foulée de la révolution libyenne.

Les élections et le dépouillement avaient été diffusés en direct à la télévision libyenne.

Les 200 membres du CGN poursuivaient jeudi soir leur réunion pour élire deux vice-présidents.

Le Conseil national de transition qui était l'organe politique de la rébellion avant de prendre le pouvoir après la chute du régime de Mouammar Kadhafi a remis mercredi soir le pouvoir au CGN, au cours d'une cérémonie marquant la première transition pacifique du pays.

Le CGN sera chargé de choisir un nouveau gouvernement pour prendre le relais du CNT, qui devrait être dissout lors de la première session du Congrès. Il devra conduire le pays à de nouvelles élections sur la base d'une nouvelle Constitution.

L'Alliance des forces nationales (AFN), une coalition de plus de 40 petits partis libéraux menée par des architectes de la révolte de 2011 contre le colonel Kadhafi, détient 39 sièges sur les 80 réservés à des partis politiques.

Le Parti de la justice et de la construction (PJC), issu des Frères musulmans, est la deuxième formation politique du Congrès avec 17 sièges. Le parti de M. Megaryef était arrivé troisième avec seulement 3 sièges.

Les 120 sièges restants ont été attribués à des candidats indépendants aux allégeances et convictions encore floues mais qui sont très courtisés par les partis.

Un membre du PJC qui a requis l'anonymat a estimé que l'élection de M. Megaryef était «une victoire pour les islamistes» mais un membre indépendant a expliqué que plusieurs membres avaient choisi le président sur la base de considérations géographiques et non religieuses ou politiques.

Selon lui, plusieurs membres indépendants s'étaient mis d'accord pour choisir un président originaire de l'est du pays pour résorber la tension dans cette région du pays qui avait réclamé plus de sièges dans l'assemblée nationale et se considérait comme «marginalisée» sous le régime de Kadhafi et par le CNT.

Une partie de la population de cette région avait dénoncé la répartition des sièges à l'assemblée (100 sièges pour l'Ouest, 60 pour l'Est et 40 pour le Sud) et avait réclamé un nombre égal de sièges pour chacune des trois régions.

Des partisans du fédéralisme avaient appelé au boycottage des élections législatives du 7 juillet, qui avaient été émaillées par des actes de sabotage et des violences dans plusieurs villes de l'est.