Les islamistes en Libye ont affirmé mardi qu'ils pourraient obtenir la majorité dans la future Assemblée nationale en s'alliant avec des candidats élus au scrutin uninominal, malgré des résultats préliminaires plutôt favorables aux libéraux.

L'Alliance des forces nationales (AFN), libérale, semble avoir raflé la plupart des 80 sièges attribués par un scrutin de liste, selon les premiers résultats préliminaires et des estimations non officielles des partis en lice.

L'enjeu porte désormais sur les 120 sièges attribués par scrutin uninominal.

Islamistes et libéraux semblent en compétition pour séduire le maximum des candidats individuels, indépendants ou liés à un parti, ayant remporté des sièges.

«Les premiers résultats ne concernent que 40% des sièges. Pour les 120 sièges restants, les résultats préliminaires font état de l'inexistence de l'alliance» libérale, a déclaré à l'AFP Mohamed Sawan, chef du Parti de la justice et de la construction (PJC, issu des Frères musulmans).

«Nous avons beaucoup de sympathisants» qui ont gagné des sièges, a-t-il affirmé, prévoyant une «très grande présence» des islamistes à l'assemblée.

M. Sawan a assuré par ailleurs que son parti avait pu grignoter quelques sièges dans le scrutin de liste.

À la question de savoir si son parti accepterait de collaborer avec le courant libéral dans l'assemblée qui doit conduire une nouvelle période de transition, il a indiqué «avoir des dénominateurs communs avec tous les partis».

«Malheureusement l'Alliance (AFN) est parmi les partis avec lesquels on a le moins de points communs», a-t-il toutefois déclaré, en réaction à l'appel à l'unité lancé dimanche par le président de l'AFN, Mahmoud Jibril, ex-premier ministre du Conseil national de transition (CNT, au pouvoir).

Le dépouillement des votes des élections de samedi était toujours en cours mardi. Les résultats préliminaires sont annoncés depuis lundi soir au compte-goutte.

Selon Sami Zaptia, rédacteur en chef de Libya Herald, il est très difficile de déterminer les orientations politiques des indépendants ou de prédire à qui ils peuvent s'allier.

Les islamistes, qui s'attendaient à ce que la vague islamiste qui a déferlé sur l'Égypte et la Tunisie dans la foulée du Printemps arabe les porte au pouvoir, «étaient surpris de ne pas être aussi performants que les libéraux dans les listes électorales», a-t-il estimé.

Des résultats préliminaires officiels annoncés mardi soir confirmaient l'avantage des libéraux dans le scrutin par listes, avec des résultats sans appel, y compris à l'Est, bastion de groupes islamistes, voire extrémistes.

Ainsi, dans la circonscription regroupant les villes de Tobrouk, Kobba et Derna (5 sièges), l'alliance libérale a obtenu 57.234 votes, très loin devant le PJC (8.333 voix).

À Sebha au sud (5 sièges), les libéraux l'ont aussi remporté avec 7.576 votes contre 2.241 pour le PJC.

Les électeurs étaient appelés à choisir les 200 membres du Congrès national général, qui doit prendre le relais du Conseil national de transition (CNT) jusqu'à l'adoption de la future Constitution.

Les lois y seront votées à la majorité des deux tiers, ce qui peut conduire à un blocage, en l'absence d'un consensus ou d'un grand bloc de majorité.

Même si elle est considérée comme libérale, l'AFN a, comme tous les partis dans cette société ultraconservatrice, fait campagne sur le thème de l'islam.

Cette coalition rassemble une soixantaine de partis ainsi que des personnalités indépendantes, sous la direction de technocrates ayant vécu à l'étranger et prônant un islam modéré, la libéralisation économique et l'ouverture à l'Occident.

Malgré des violences et des actes de sabotage de militants autonomistes dans l'Est, le premier scrutin libre après plus de quatre décennies de dictature sous le régime de Mouammar Kadhafi, qui avait banni les élections, est un grand succès pour une nation qui était il y a quelque mois en guerre et reste dépourvu d'institutions.