La France, la Cour pénale internationale (CPI) et la Libye ont demandé l'extradition du colonel libyen Abdallah al-Senoussi, ex-chef des renseignements de Mouammar Kadhafi, accusé de multiples crimes, et arrêté à Nouakchott où il continuait d'être entendu dimanche par la police mauritanienne.

La Mauritanie a reçu dimanche de la France et de la CPI deux demandes en ce sens.  Interpol a ensuite relayé la demande libyenne d'arrestation pour extrader cet ancien pilier du régime de Mouammar Kadhafi.

«Pour le moment, deux demandes ont été reçues par la Mauritanie: une de la France arrivée samedi, et la seconde de la CPI, parvenue au gouvernement mauritanien dimanche», a affirmé un responsable mauritanien de la sécurité à l'AFP.

Interpol a envoyé à ses 190 pays membres une demande d'arrestation pour extradition, à la requête de Tripoli. Cette demande vise différentes fraudes dont «le détournement de fonds publics et l'abus de pouvoir pour un bénéfice personnel», a annoncé l'organisation policière internationale basée à Lyon (France) dans un communiqué.

Elle s'ajoute à une précédente demande visant le colonel Al-Senoussi, émise à la requête de la CPI pour «crimes contre l'humanité».

Interpol «s'est engagé à soutenir les efforts de la Libye dans son objectif de reconstruire le pays et d'établir un État de droit».

Tripoli avait annoncé samedi avoir demandé à la Mauritanie l'extradition d'al-Senoussi, arrêté dans la nuit de vendredi à samedi à l'aéroport de Nouakchott à son arrivée de Casablanca (Maroc) par vol régulier, avec un faux passeport malien.

Selon le responsable mauritanien de la sécurité, «la Libye ne s'est pas encore manifestée» mais Nouakchott attend «la visite d'une délégation du Conseil national de transition (CNT, au pouvoir à Tripoli) à une date non encore précisée».

La Libye n'est pas liée à la Mauritanie par un accord bilatéral, mais peut se fonder sur une convention d'assistance judiciaire liant les pays membres de la Ligue arabe, signée à Riyad en 1983 et ratifiée par Nouakchott en 1985 et par Tripoli en 1988.

La police mauritanienne «mène sa propre enquête» à laquelle elle associera Interpol, a indiqué à l'AFP une source policière.

Ce n'est qu'après que la Mauritanie doit examiner les demandes d'extradition.

Selon un avocat du barreau de Nouakchott, Brahim Ould Ebettye, les demandes doivent aussi être examinées par «un tribunal compétent» mauritanien avant toute décision.

Pour Didier Rebut, professeur à l'université de Paris II-Panthéon Assas, «c'est à l'État qui a arrêté la personne de choisir où elle l'extrade, selon ses critères et ses règles».

La CPI avait lancé un mandat d'arrêt à l'encontre de l'ancien beau-frère de Kadhafi le 27 juin 2011, l'accusant d'avoir commis «des meurtres et des persécutions de civils constitutifs de crimes contre l'humanité» dès le début de la révolte anti-Kadhafi à la mi-février 2001.

Paris rappelle qu'al-Senoussi fait «l'objet d'un mandat d'arrêt international à la suite de sa condamnation par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité dans l'affaire de l'attentat du 19 septembre 1989 contre le vol UTA 772, qui avait coûté la vie à 170 personnes, dont 54 Français», en s'écrasant au Niger.

La Libye, selon son ministre de la Justice, est capable de lui offrir un procès équitable pour les crimes dont il est accusé dans son pays. «Nos tribunaux sont très bons, particulièrement à Tripoli et nous sommes à même de le juger conformément aux normes internationales», a assuré Ali Hmida Achour à l'AFP.

Amnesty International a toutefois dit en douter et a souhaité que le ressortissant libyen soit remis à la CPI.

La Mauritanie ne compte pas parmi les 120 pays faisant partie de la CPI. Ce n'est pas forcément rédhibitoire. Car le mandat d'arrêt de la CPI résulte d'une résolution du 26 février 2011 du Conseil de sécurité de l'ONU qui, elle, s'applique à la Mauritanie, rappelle M. Rebut.