Le chef des autorités libyennes, Moustapha Abdeljalil, a tenté de rassurer mercredi les régions qui estiment avoir été exclues du nouveau gouvernement formé par Abdel Rahim al-Kib.

L'annonce du nouveau gouvernement mardi a coïncidé avec la visite du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, à qui Tripoli a confirmé son intention de juger en Libye Seif al-Islam Kadhafi, le fils du dirigeant déchu arrêté dans la nuit de vendredi à samedi.

Aussitôt formé, le nouveau cabinet a été critiqué. A Benghazi, la ville d'où est partie la révolte contre le régime Kadhafi, quelques dizaines de manifestants se sont plaints de la «sous-représentation» de l'Est. Des représentants des régions du Sud désertique ont également dit être marginalisés.

Dans un communiqué, les Amazighs (berbères) ont de leur côté dénoncé leur exclusion des ministères importants, jugeant que leur représentativité dans le gouvernement «ne correspondait pas à leur présence» et à leur contribution à la révolution.

Le Congrès amazigh libyen a ainsi appelé Libyens et Amazighs en particulier à manifester et à geler provisoirement leur coopération avec le Conseil national de transition (CNT) et le gouvernement.

«Je peux rassurer tout le monde: toute la Libye est (représentée) dans le gouvernement», avait pourtant déclaré M. Kib.

Le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, a tenté de rassurer mercredi «ceux qui ont élevé leur voix pour dénoncer la marginalisation et l'exclusion: nous n'avions pas l'intention d'exclure quelque ville que ce soit, la Libye est à tout le monde».

Il a notamment tenu à rassurer les Amazighs, les Bédouins du sud désertique, les Touaregs ainsi que les Toubous, à l'issue d'une longue réunion avec une délégation amazighe.

«Je veux rassurer certaines villes, régions et ethnies. Je promets à tout le monde que toutes les villes et tous les villages bénéficieront à égalité des services de base», a-t-il affirmé à la presse.

Les Etats-Unis ont estimé en tout cas que ce nouveau gouvernement témoignait d'une «avancée significative vers la démocratie», précisant être prêts à travailler avec lui.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a également salué la formation du cabinet, tout comme la Tunisie et la Chine.

Dans le nouveau gouvernement, au moins deux importants ministères ont été réservés aux ex-rebelles, pour la plupart des civils, ayant combattu le régime de Kadhafi: Oussama Jouili, un commandant ex-rebelle de la ville de Zenten, a été nommé à la Défense, tandis que le ministère de l'Intérieur a été confié à Faouzi Abdelal, de Misrata.

L'opposition en exil a aussi eu sa part: Achour ben Khayal, ancien ambassadeur sous le régime de Kadhafi, avant de rallier l'opposition dans les années 2000, devient ainsi ministre des Affaires étrangères.

Le portefeuille crucial du Pétrole et du Gaz est revenu à Abdelrahmane ben Yazza, un responsable de la compagnie pétrolière italienne ENI.

Le nouveau gouvernement compte deux femmes ministres: Mabrouka al-Chérif Jibril aux Affaires sociales et Fatma Al-Hamrouch à la Santé.

Sur le plan judiciaire, le procureur de la CPI a affirmé mercredi à Tripoli que la justice libyenne avait la «primauté» pour juger Seif al-Islam Kadhafi.

«S'ils (les Libyens) veulent (juger Seif al-Islam), nous ne sommes pas en compétition avec eux», a-t-il déclaré à la presse.

«Dès qu'ils peuvent le faire, nous arrêtons. C'est le système. Et c'est ce que nous discutons ici», a-t-il ajouté. «Du moment que les autorités libyennes mènent les bonnes investigations et qu'elles les présentent aux juges de la CPI, la règle dit qu'elles peuvent le faire».

M. Ocampo a précisé à l'AFP que les autorités libyennes souhaitaient que la CPI poursuive son enquête sur Seif al-Islam.

L'ancien ministre de la Justice du CNT, Mohamed Allagui, a déclaré de son côté qu'un «accord de coopération» devrait être signé prochainement entre la CPI et le CNT pour fixer les modalités du transfert du dossier de Seif al-Islam.

M. Allagui a assuré par ailleurs que «toutes les garanties et les conditions sont réunies en Libye pour un procès équitable».

Concernant l'ex-chef des renseignements militaires de Mouammar Kadhafi, Abdallah al-Senoussi, les autorités ne disposaient toujours d'aucune preuve de son arrestation, annoncée dimanche.

«Nous n'avons aucune confirmation de l'arrestation de Senoussi», a dit M. Abdeljalil.

Selon l'ONU, quelque 7000 personnes, dont de nombreux étrangers, sont par ailleurs détenues dans des centres de détention contrôlés par les milices des «brigades révolutionnaires» et n'ont pas accès à des tribunaux «en l'absence d'une police et d'une justice en état de fonctionnement».

Des femmes et des enfants figurent parmi les détenus et certains auraient été torturés, indique ce rapport du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.