Éclairage électrique le long d'autoroutes à double voie, maisons cossues ceintes de hauts murs de béton et réservoirs d'eau dans les champs, partout ailleurs interdits en Libye: du temps de son régime, Mouammar Kadhafi chouchoutait son village natal.

Après deux jours de violents combats, les combattants du nouveau régime ont pris en début de semaine le contrôle de Qasr Abou Hadi, à une vingtaine de km au sud de Syrte, un des derniers bastions de l'ex-régime qu'elles assiègent depuis la mi-septembre.

Pour certains de ces combattants venus en particulier de l'enclave de Misrata, l'heure de la revanche a enfin sonné, en attendant la prise de Syrte, à 360 km à l'est de Tripoli. De nombreuses habitations ont été saccagées, selon un journaliste de l'AFP sur place.

À peine débarqués de leur 4X4 de guerre, des groupes d'hommes armés triomphants prennent possession du village d'origine du «Guide» déchu, fouillant les maisons, se servant au passage, et incendiant certaines bâtisses, indifférents à la présence des journalistes.

La pratique n'est pas exceptionnelle. Dans leur inexorable et progressif mouvement vers Syrte, les forces du nouveau régime se sont parfois livrées à ce genre d'exactions dans les quelques localités qui leur étaient notoirement hostiles, comme Ben Jawad ou Tourgha.

Mais à Qasr Abou Hadi, elles laissent plus qu'ailleurs exprimer leur hargne contre le «tyran» et ses «acolytes», entendez par-là les membres de sa tribu Kadhadfa, majoritaire ici.

Alors que les «opérations de nettoyage» se poursuivent et que la localité résonne de rafales sporadiques, les combattants viennent «perquisitionner» les maisons abandonnées, sous les regards résignés des rares habitants restés sur place.

«Nous sommes tous des Kadhadfa. Ici tout le monde soutient Kadhafi», reconnaît Mohamed, trentenaire en T-shirt et casquette de l'Inter de Milan. «Moi je suis resté pour protéger ma maison. Depuis hier, ils sont venus quatre fois pour essayer de prendre ma voiture».

«Les rebelles de Benghazi (est) sont à peu près corrects. Mais ceux de Misrata ne se comportent pas bien. Ils pillent et brûlent des maisons», accuse-t-il. «Ils sont venus pour se venger».

Turban blanc sur la tête, Ali Omar Abdelrahman fait visiter sa maison sur deux étages, dans un quartier jouxtant une immense base militaire où flottent encore de nombreux drapeaux verts de l'ancienne Libye.

Les appartements de son père, au rez-de-chaussée, ont été retournés de fond en comble. L'habitation de sa famille à l'étage a été saccagée. Les armoires éventrées, les lits retournés montrent que les visiteurs cherchaient sans doute de l'argent et des bijoux. La télévision a disparu.

Employé de Syrte Oil company, Ali a trouvé refuge dans le désert il y a cinq jours, «quand les combats sont devenus trop intenses». Il revient aujourd'hui pour constater les dégâts.

Un 4X4 arrive en trombe, des hommes en armes vociférant à bord. Il stoppe immédiatement à la vue d'une voiture civile, convoitant visiblement le précieux véhicule: «qu'est-ce que vous faites là?», crie l'un d'entre eux. Une brève explication du journaliste, et l'équipée sauvage repart dans un crissement de pneu, assurant vouloir «enlever les drapeaux verts» plantés sur les toits.

Un pâté de maisons plus loin, on retrouve la même bande ouvrant le feu à la kalachnikov sur une façade, et défonçant à coup de rangers une porte d'entrée.

Au détour d'une rue, un militaire, une hachette à la main, invective Ali Omar: «on t'a jamais appris à dire bonjour toi?» Tremblant, le villageois préfère prendre immédiatement la route du désert.

En s'emparant du village, les anti-Kadhafi resserrent un peu plus leur emprise sur Syrte, dont ils affirment que la chute n'est plus qu'une question de jours.

«Mais les pillages, ce n'est pas bon», confesse un de leurs chefs, originaire de Benghazi. «Les gars de Misrata veulent leur revanche, nous on refuse de participer à ça».