Des centaines de combattants ont afflué de toute la Libye pour prendre Tripoli, mais dans la capitale désormais aux mains des anti-Kadhafi depuis plus d'un mois, les habitants, excédés par les tirs en pleine ville, réclament de plus en plus nombreux le départ des hommes armés.

En prenant Bab al-Aziziya, le QG de Mouammar Kadhafi à Tripoli, les combattants des nouvelles autorités libyennes ont mis fin à 41 années de règne sans partage du «Guide» toujours en fuite, mais leur installation dans la capitale est aujourd'hui une menace pour la stabilité, jugent les Tripolitains.

«Il est temps qu'ils rentrent chez eux. Ici, ce n'est pas leur ville. Tripoli est pacifiée, pourquoi doivent-ils rester?», s'interroge Hamza Bonwara, un jeune homme de 27 ans, rencontré sur la Place des martyrs, ex-Place Verte et haut-lieu du régime Kadhafi.

«Ils s'en fichent de Tripoli. Ils ont toujours leurs armes avec eux et ils tirent en l'air. C'est dangereux et ça fait peur aux gens», poursuit le jeune homme.

Comme Hamza, beaucoup d'habitants reprochent aux combattants venus de Misrata, plus à l'est, ou de Zenten, plus au sud, et qui tiennent encore les postes de contrôle autour de la ville, les tirs à l'arme automatique en pleine ville, les rodéos à bord de pick-up lourdement armés et les nuits de «tirs de joie».

Certains responsables du Conseil national de transition (CNT) ont appelé les combattants à revenir dans leurs villes d'origine, mais d'autres assurent que leur présence est toujours nécessaire pour sécuriser la capitale.

«Ce sont de réelles inquiétudes, mais nous ne pouvons pas laisser un vide» en matière de sécurité en leur disant de partir, affirme par exemple Jalal al-Gallal, un porte-parole du CNT.

«Rien ne doit se faire dans la précipitation. Ils vont partir et nous discutons actuellement du calendrier et des conditions de ce retrait», précise-t-il.

Mais certains groupes armés semblent échapper au contrôle du CNT, ce qui cause l'inquiétude de plusieurs de ses alliés.

En visite à Tripoli cette semaine, le sénateur américain John McCain avait ainsi insisté sur le fait qu'il était «important pour le CNT de continuer à rassembler les nombreux groupes armés présents à Tripoli et au-delà sous son autorité».

Sur le terrain, les combattants assurent que leur présence est nécessaire dans la capitale.

«Il n'y a pas assez de combattants originaires de Tripoli pour protéger la ville, alors nous devons rester», explique Siraj al-Sak, venu de Ghariane, à 85 kilomètres au sud de la capitale et qui surveille la Place des martyrs juché sur un pick-up.

«Nous aussi, on s'est battu contre Kadhafi, on peut très bien s'occuper de Tripoli», assure pourtant Nadir Mohammed, un Tripolitain de 34 ans.

«Nous sommes reconnaissants du soutien qu'ils nous ont apporté contre Kadhafi, mais maintenant ils doivent partir», insiste-t-il.

Dans un magasin à deux pas de la place, Maria Gerguri, 20 ans, se dit de plus en plus effrayée par les nombreux hommes armés qui circulent en ville.

«Pourquoi sont-ils ici? Le gouvernement doit s'assurer qu'ils rentrent chez eux», déclare-t-elle, avant d'ajouter: «Ils sont les bienvenus à Tripoli. Mais sans leurs armes».