Nicolas Sarkozy et David Cameron sont devenus hier les premiers chefs d'État occidentaux à se rendre en Libye depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi.

Le président de la France et le premier ministre de la Grande-Bretagne sont arrivés en matinée à Tripoli, où ils ont été accueillis par les dirigeants du Comité national de transition (CNT) avant de visiter des blessés dans un hôpital du centre-ville.

Ils se sont ensuite rendus dans un hôtel pour rencontrer la presse avant de prendre l'avion pour Benghazi, dans l'Est, où le soulèvement a débuté l'hiver dernier.

«Jeunes de Benghazi, de Libye et du monde arabe, la France veut vous dire son admiration», a déclaré Sarkozy à une foule en liesse avant de presser les Libyens de demeurer unis.

«Vous avez été une inspiration pour le monde! Kadhafi voulait vous chasser comme des rats, mais vous avez combattu comme des lions», a déclaré David Cameron.

Le rôle de premier plan qu'ont joué les deux hommes dans la campagne de l'OTAN en Libye leur vaut une incontestable popularité dans ce pays. Elle se manifeste par des graffitis et des déclarations enthousiastes.

«Si Nicolas Sarkozy était devant moi, je lui baiserais le front», a lancé récemment à La Presse un combattant rencontré près de Misrata, une ville dévastée par les combats.

Les rebelles ne semblent faire aucun cas des efforts qu'a faits la France dans le passé pour courtiser le régime kadhafiste. Nicolas Sarkozy avait notamment reçu le dictateur libyen à Paris en 2007 pour une visite officielle qui avait mené à l'annonce de contrats de plusieurs milliards de dollars. La vente de centaines de missiles antichars Milan avait notamment été conclue cette année-là avec Tripoli.

L'ex-secrétaire d'État aux droits de l'homme Rama Yade s'était fait rappeler à l'ordre pour avoir publiquement condamné la venue de Mouammar Kadhafi et relevé que la France «n'est pas seulement une balance commerciale».

Pétrole

La question des intérêts économiques s'est de nouveau posée il y a quelques jours après que le quotidien Libération eut cité un document qui suggère que le CNT a promis une part importante du pétrole libyen à Paris en échange de sa reconnaissance formelle. Les deux parties ont nié toute entente de ce type.

Hier, Nicolas Sarkozy a répété qu'aucune considération économique n'avait joué dans l'intervention française. «Nous l'avons fait parce que c'était juste», a-t-il affirmé.

Plusieurs médias français affirment que le voyage de Nicolas Sarkozy est motivé en partie par des considérations de politique intérieure, au moment où les aspirants socialistes à l'élection présidentielle française de 2012 s'apprêtent à tenir, ce soir, leur premier débat télévisé.

«M. Sarkozy est certain d'avoir de belles images pour les journaux télévisés jeudi soir... Cela tombe bien, c'est pile le jour du premier débat de la primaire socialiste», souligne un blogueur du Monde.

Et les islamistes?

Nombre d'analystes s'interrogent en outre sur l'orientation idéologique du nouveau gouvernement libyen et sur l'influence que pourront y avoir les militants islamistes.

Le sort de Mouammar Kadhafi, qui continue d'échapper aux autorités, constitue un autre sujet d'interrogations. Dans un message relayé par une radio syrienne, le dictateur en fuite a demandé à la communauté internationale d'intervenir pour faire cesser les «massacres» en cours à Syrte, sa ville natale.

Les avions de l'OTAN ont frappé dans les dernières semaines des dizaines de cibles dans la ville côtière afin de faciliter l'avancée des forces rebelles, qui ont lancé hier leur assaut. Une offensive est aussi en cours à Bani Walid, dans le sud du pays.

David Cameron a assuré que la coalition internationale demeurerait en Libye tant que la situation ne sera pas complètement stabilisée. Nicolas Sarkozy a relevé dans la même veine qu'il y avait «du travail à terminer» dans le pays.