Dans le désert au sud de Taourgha Après avoir conquis les grandes villes du pays, dont la capitale, les rebelles libyens espèrent donner le coup de grâce à Mouammar Kadhafi en prenant d'assaut son dernier bastion d'importance, Syrte.

Rien ne laissait cependant présager, hier dans l'attitude du groupe hétéroclite de combattants rencontrés sur l'autoroute reliant Misrata à cette ville côtière, qu'une offensive décisive se préparait.

Les hommes assis sur des chaises de plastique à l'abri d'un viaduc qui constitue leur avant-poste sur la route de Syrte, 100 km plus à l'est, semblaient profiter d'une journée de repos à quelques heures de la fin du ramadan.

Les rebelles, typiquement habillés de toutes les manières imaginables, ont placé dans l'axe de l'autoroute deux batteries antiaériennes pour parer à toute attaque-surprise. Mais seul un chameau errant semblait vouloir troubler hier leur tranquillité.

«Nous attendons les ordres des commandants basés à Misrata», a expliqué Ismaël al-Hedi Shalouf, qui ne croit pas une seconde aux chances des soldats kadhafistes présents à Syrte de résister longtemps à l'assaut.

«Ça va se passer comme à Tripoli. Les gens vont se soulever de l'intérieur et nous allons rentrer facilement dans la ville», assure-t-il.

D'autres rebelles tentent depuis plusieurs semaines d'avancer par l'est pour éventuellement prendre la ville en étau.

Négociations

Pour l'heure, les dirigeants rebelles tentent de négocier la reddition de Syrte. Mais ils préviennent qu'ils n'hésiteront pas à recourir à la force si une entente n'est pas rapidement trouvée. «La moitié de la population de la ville nous soutient», assure un haut responsable, Omar Salem Adeyoub.

Les dirigeants rebelles craignent que le régime tente de lancer vers Misrata de nouveaux missiles Scud comme ceux qui ont été interceptés au cours des derniers jours par les forces américaines présentes au large du pays.

«L'OTAN nous a dit que nous ne devions pas nous inquiéter des Scud, qu'ils s'en occuperaient», relève un commandant de Misrata, Mohamed Ben Ras Ali.

À défaut de foncer sur Syrte, les rebelles postés sur l'autoroute effectuent des poussées exploratoires avec leurs camions à la Mad Max surmontés de lance-roquettes.

Hier, ils sont arrivés à 30 km de la ville avant de battre en retraite. Et ils ont attrapé dans le processus deux soldats kadhafistes transportant des réserves d'armes qui s'étaient égarés.

Soldats français

À un autre poste d'observation, quelques kilomètres au sud du viaduc, un rebelle de 27 ans, Mehdi Jutlaoui, disait attendre hier de nouvelles frappes de l'OTAN dans le secteur.

Il assure que deux militaires français sont passés en matinée prendre les coordonnées de cibles potentielles, contredisant les affirmations du pays voulant qu'aucun soldat ne soit engagé en sol libyen.

L'avancée des rebelles, bien que facilitée par les bombardements, s'annonce difficile dans un paysage désertique qui n'offre aucun couvert face au tir des ennemis.

Il y a deux semaines, les opposants à Mouammar Kadhafi ont pris un village voisin, Taourgha, à l'issue d'une bataille acharnée soulignée par la présence au sol de milliers de douilles. Dans leur retraite, les troupes kadhafistes ont laissé un véritable arsenal que les combattants montrent fièrement.

Des balles antiaériennes gigantesques, des mortiers et de puissants missiles Milan français ont été saisis. «Dieu est grand», s'exclame Sadig Haddag, en montrant les munitions placées dans un bâtiment situé non loin du front.

Ibrahim Hamza, qui a participé à la bataille de Misrata, espère que l'arsenal n'aura pas à être utilisé. «Nous ne voulons pas combattre à Syrte, nous ne voulons pas plus de sang. Nous sommes tous des frères», dit le jeune homme de 25 ans, qui vivait de petits négoces avant d'être happé par le conflit.

Les combats des derniers mois, en plus d'entraîner un lourd bilan humain, ont causé des dommages matériels énormes à Misrata et dans plusieurs autres agglomérations de la côte menant à la capitale.

Des bâtiments éventrés et des carcasses de voitures parsèment le décor, chargé de drapeaux révolutionnaires. Même des troncs de palmiers ont été peints en rouge, vert et noir pour marquer le territoire conquis.

Hier soir, tout était calme aux abords de la capitale alors que le soleil se couchait sur la mer Méditerranée. Les rebelles répartis aux postes de contrôle interpellaient les automobilistes pour partager leur nourriture et marquer la fin du ramadan, ponctué par la fête de l'Aïd.

Des milliers de personnes sont attendues ce matin sur la Place verte de Tripoli, renommée place des Martyrs, pour une célébration qui aura, pour nombre de Libyens, une portée bien particulière cette année avec la chute du régime.

«Habituellement, pour l'Aïd, on achète de nouveaux vêtements et on prépare un grand repas. Ce sera un peu différent cette année à cause des difficultés matérielles que nous connaissons. Mais ce sera une grande fête», relève Khaled, un jeune Tripolitain.