Les rebelles libyens poursuivent leur avancée dans Tripoli. Ils ont remporté hier une victoire symbolique en pénétrant dans le quartier général de Mouammar Kadhafi. Mais le colonel, lui, affirme avoir quitté son fief pour des raisons «tactiques».

La bataille de Tripoli n'est pas terminée, mais les rebelles progressent dans la capitale. Hier, le quartier général du colonel Mouammar Kadhafi est tombé entre leurs mains.

«C'est fini! Kadhafi est fini!», s'est exclamé un combattant rebelle dans le complexe de Bab al-Aziziya, cité par un correspondant de l'agence de presse Reuters. Quelques centaines de rebelles se sont précipités dans les bâtiments, selon l'AFP. Ils ont notamment mis la main sur un stock de munitions, de fusils mitrailleurs et de pistolets.

Le correspondant de l'AFP a également vu des rebelles attaquer et piétiner des emblèmes du pouvoir. Un autre paradait et brandissait fièrement un fusil apparemment plaqué or. Le réseau de télévision britannique Sky News a présenté une entrevue avec un homme coiffé d'un couvre-chef semblable à ceux que porte le colonel Kadhafi et qui clamait s'en être emparé lors de la mise à sac de la résidence du dictateur.

Aux alentours de la résidence, l'ambiance était à l'euphorie. Les combattants célébraient la prise de la résidence en hurlant leur joie et en scandant Allah akbar (Dieu est grand). À la vue d'étrangers, ils s'empressaient de les remercier et criaient aussi leur gratitude à l'OTAN.

Plusieurs corps jonchaient le sol dans l'enceinte de la résidence, apparemment des soldats pro-Kadhafi, a indiqué le correspondant de l'AFP, qui a fait état de nombreux blessés.

Une opération «tactique»

Dans une intervention à la radio de Tripoli hier soir, le colonel lui-même a déclaré que son retrait de son fief de Bab al-Aziziya est une opération «tactique».

«Bab el-Aziziya n'était plus qu'un tas de décombres après avoir été la cible de 64 missiles de l'OTAN (depuis le début du conflit) et nous nous en sommes retirés pour des raisons tactiques», a-t-il déclaré dans un discours diffusé dans la soirée par la chaîne de télévision al-Orouba et repris par le site internet d'Al-Libiya, la chaîne de son fils Saïf al-Islam, qui a cessé d'émettre.

Kadhafi n'a pas précisé sur les ondes s'il se trouvait ou non à Tripoli.

Pour sa part, le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, a déclaré à la chaîne syrienne Arrai que «plus de 6500 personnes» étaient arrivées à Tripoli au cours des dernières heures pour rejoindre les partisans de Kadhafi.

«Les volontaires peuvent venir en Libye et nous allons leur fournir armes, munitions et entraînement», a-t-il déclaré. «Si les bombardements se poursuivent, nous allons transformer la Libye en un brasier et nous saurons protéger les civils des gangs et de l'alliance des Croisés.» Selon lui, «plusieurs» commandants des forces rebelles ont été arrêtés par les forces armées libyennes.

Prise incertaine

Même si les rebelles avaient pénétré dans le complexe, il n'était pas clair hier soir à quel point ils s'en étaient emparés.

La crédibilité du Conseil national de transition (CNT) a notamment été mise à mal lundi soir quand il est apparu que ses forces n'avaient pas capturé les fils Kadhafi, malgré les prétentions des rebelles. Saïf al-Islam, désigné comme l'héritier de son père, a même rendu visite lundi soir aux journalistes étrangers rassemblés dans un hôtel de Tripoli, alors que le CNT avait affirmé qu'il était sous la garde des révolutionnaires.

Hier, le CNT s'est expliqué sur la diffusion de cette information erronée: «La vérité, c'est que, après le soulèvement (de Tripoli), des rebelles m'ont appelé pour me dire que Saïf avait été arrêté. Je leur ai demandé s'ils l'avaient vu eux-mêmes, ils m'ont dit non, a expliqué Mahmoud Jibril, numéro 2 du CNT. L'information est sortie dans les médias. Pendant deux jours, Saïf n'a pas donné de nouvelles. Nous avons pensé soit qu'il avait peur et se cachait, soit qu'il avait été effectivement capturé.»

«Politiquement et militairement, nous avons gagné beaucoup avec cette information non confirmée. Cette action n'était pas planifiée de notre part, a-t-il assuré. En deux jours, nous avons obtenu la reconnaissance de 11 pays. Sur le terrain, des commandants militaires pro-Kadhafi ont commencé à se rendre», a énuméré M. Jibril.



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BAB AL-AZIZIYA


La «porte splendide «, comme le signifie son nom en arabe, est située dans la partie sud de la capitale libyenne, juste au nord de l'aéroport. Le colonel Kadhafi a installé son quartier général dans ce labyrinthe d'immeubles militaires bétonnés, de murs fortifiés et de barbelés, le tout relié par un réseau de tunnels et de bunkers souterrains. Ces tunnels s'étendraient d'ailleurs bien au-delà de Bab al-Aziziya, permettant au colonel et à sa garde rapprochée de circuler dans la ville sans être repérés. Le quartier abrite également la résidence du colonel, ainsi que les ruines de son ancienne résidence bombardée par les États- Unis en 1986. Devant ces ruines, Kadhafi a fait ériger une sculpture représentant un poing écrasant un avion américain.