L'Italie a ouvert la voie à une sérieuse division au sein de l'OTAN en demandant mercredi un cessez-le-feu en Libye, une éventualité aussitôt rejetée par Paris et l'Alliance atlantique.

Après une série de bavures qui a entaché la campagne «Protecteur unifié», le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a estimé que «la suspension des actions armées est fondamentale pour permettre une aide immédiate» dans le pays en proie à un conflit depuis plus de quatre mois.

Une proposition aussitôt rejetée par la France, pour qui une pause, même humanitaire, risquerait de permettre au leader contesté Mouammar Kadhafi «de gagner du temps et de se réorganiser».

À Bruxelles, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, s'est voulu clair: l'Alliance va «continuer» ses opérations pour éviter que «d'innombrables civils supplémentaires perdent la vie».

«Je souhaiterais bien avoir un cessez-le-feu (pour permettre) le passage de l'aide humanitaire», a dit le général Charles Bouchard, à la tête de l'opération de l'OTAN. Mais les pro-kadhafi pourraient en profiter pour «bouger de l'équipement (et) des troupes vers l'avant» et l'OTAN se retrouverait avec «un problème encore plus grand» sur les épaules, a-t-il dit.

Pour le porte-parole du Conseil national de transition (CNT, organe représentatif de la rébellion), Mahmoud Chamam, avec ou sans l'Alliance, la rébellion «se battra jusqu'au bout, jusqu'à la victoire».

«Nous nous battrons jusqu'à la libération de cette nation, nous ne craignons pas un (arrêt des opérations) de l'OTAN», a-t-il assuré à Beyrouth, affirmant que le CNT contrôle déjà 38% du territoire libyen.

Pays abritant le QG de l'opération de l'OTAN et des bases aériennes d'où décollent les bombardiers alliés, l'Italie a jeté un pavé dans la mare en dénonçant les raids contre les civils et l'enlisement du conflit.

Un arrêt immédiat des hostilités «permettrait d'éviter ce que le CNT craint, à savoir une consolidation de la partition de la Libye», a déclaré M. Frattini, à la veille d'un Conseil européen à Bruxelles.

Se référant aux opérations de l'OTAN, il a également réclamé «des informations détaillées» et préconisé des «consignes claires et précises», après les erreurs «dramatiques» qui ont conduit à toucher des civils.

Face au tollé provoqué par le propos du ministre italien, Rome a tenté de les minimiser. «C'est une hypothèse de travail», a dit un porte-parole des Affaires étrangères.

De son côté, le secrétaire général sortant de la Ligue arabe, Amr Moussa, qui a soutenu les frappes aériennes en Libye, a fait part de ses «scrupules» après les pertes civiles.

L'Alliance a reconnu avoir tué par erreur neuf civils dans un raid à Tripoli dimanche. Le 16 juin, elle avait également frappé accidentellement une colonne de véhicules rebelles dans la région de Brega (est).

Mais l'OTAN a insisté sur le fait qu'un raid aérien mené lundi à Sorman, à l'ouest de Tripoli et qui a fait selon le régime 15 morts, avait frappé une «cible militaire légitime». Ce raid a visé une résidence de Khouildi Hmidi, un vieux compagnon de route du colonel Kadhafi selon les autorités.

Malgré les critiques, les opérations de l'OTAN semblent entrer dans une nouvelle étape, visant notamment les points de contrôle érigés sur les routes menant à Tripoli et les véhicules militaires légers équipés de canons anti-aériens ou de lance-roquettes.

Dans son rapport quotidien, l'OTAN a indiqué avoir visé des cibles aux environs de Zlitan à 40 km à l'ouest de la ville rebelle de Misrata, où elle a essuyé mardi sa première perte en Libye, un hélicoptère drone américain.

Et sur le front de Misrata (ouest), la ville a été la cible de nouveaux tirs de roquettes des pro-Kadhafi, qui ont fait «de nombreux blessés dont des femmes et des enfants», selon un communiqué de la rébellion qui a aussi signalé l'exode de milliers de familles de cette enclave tenue par les rebelles.

Au niveau diplomatique, la rébellion a enregistré de nouveaux succès avec la reconnaissance par la Chine du CNT comme «interlocuteur important» et celle du Danemark qui s'est ajouté à la quinzaine de pays ayant reconnu cet organe comme le «représentant légitime» du peuple libyen.

Côté régime, le chef de la diplomatie Abdelati al-Obeïdi, qui a traversé maintes fois la frontière tuniso-libyenne pour se rendre en Afrique en vue de négociations sur le conflit, est entré en Tunisie mercredi, a indiqué l'agence officielle TAP sans préciser sa destination finale.

Enfin, l'Organisation de la conférence islamique va dépêcher une mission en Libye pour préparer une médiation en vue d'un règlement du conflit qui a fait depuis le 15 février des milliers de morts et obligé près d'un million de personnes à fuir.