L'OTAN a mené lundi un raid aérien à Sorman à l'ouest de Tripoli, qui a fait selon les autorités libyennes 15 morts, dont trois enfants, alors que l'Alliance atlantique, qui affirme avoir visé une cible militaire, a reconnu deux bavures ce week-end.

Ce raid, mené vers 4h du matin (22h dimanche, heure de Montréal), a visé une résidence d'un vieux compagnon de route du leader Mouammar Kadhafi, à environ 70 km à l'ouest de la capitale, selon un responsable du régime, qui a précisé que celle-ci avait été «touchée par huit missiles».

Le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, présent sur les lieux, a souligné que le raid avait «fait 15 morts dont trois enfants», dénonçant «un acte terroriste et lâche, qui ne peut être justifié».

Un journaliste de l'AFP, emmené sur place avec d'autres correspondants de la presse internationale, a constaté que plusieurs bâtiments avaient été détruits. Il a ensuite été conduit à l'hôpital de Sabratha, à une dizaine de km de Sorman, où il a vu neuf corps entiers, dont celui de deux enfants, et des morceaux d'autres cadavres, dont celui d'une enfant.

Après l'avoir nié, l'OTAN a admis dans l'après-midi avoir mené un raid à Sorman. Des avions ont effectué un «raid de précision» tôt lundi matin contre un «centre de commandement et de contrôle de haut niveau», a indiqué l'Alliance atlantique.

«Cette frappe va grandement réduire la capacité des forces du régime de Kadhafi à poursuivre leurs attaques barbares contre le peuple libyen», a déclaré le commandant de l'opération «Protecteur unifié», le général Charles Bouchard.

«Quel que soit l'endroit où Kadhafi tente de cacher ses centres de commandement et de contrôle, nous les retrouverons et nous les détruirons», a-t-il ajouté.

Un responsable de l'OTAN a indiqué à l'AFP que l'Alliance était «au courant» des allégations du régime concernant les victimes, mais que l'OTAN ne disposait pas des moyens de vérifier ces affirmations.

La résidence touchée appartient à Khouildi Hemidi, qui faisait partie du conseil de commandement de la révolution de 1969.

Selon M. Ibrahim, la plupart de victimes appartiennent à la famille Hemidi et deux de ses petits-enfants figurent parmi les enfants tués. Parmi les morts se trouvent également des membres de deux familles habitant des maisons situées à proximité, dont au moins trois membres d'une famille soudanaise.

Khouildi Hemidi s'en est sorti sain et sauf: il se trouvait au moment du raid dans un bâtiment qui n'a été que partiellement endommagé.

Ce week-end, l'Alliance atlantique a déjà reconnu deux «bavures» en Libye à un moment où la légitimité de son intervention reste contestée et où elle stagne sur le terrain.

Dimanche, elle a admis avoir tué par erreur des civils lors d'une frappe nocturne à Tripoli, dans laquelle neuf personnes dont cinq membres d'une même famille sont mortes.

Elle a expliqué avoir voulu viser «un site militaire de missiles» mais qu'il y a pu y avoir «une erreur dans le système qui peut avoir fait un certain nombre de victimes civiles».

Samedi, l'Alliance atlantique avait déjà dû admettre avoir accidentellement frappé une colonne de véhicules rebelles dans la région de Brega (est) le 16 juin.

«L'OTAN joue sa crédibilité. Nous ne pouvons pas courir le risque de tuer des civils, c'est quelque chose qui ne va absolument pas», a estimé lundi le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini..

«Les carences de communication de la part de l'OTAN posent problème, parce que nous devons contrecarrer la propagande médiatique» du régime de Tripoli, a-t-il estimé.

La coalition internationale a commencé son intervention le 19 mars dernier, sous mandat de l'ONU pour protéger la population civile en Libye où un mouvement de contestation sans précédent contre Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, était réprimé dans le sang. L'OTAN a pris le commandement des opérations le 31 mars.

Depuis, l'Alliance a effectué quelque 1500 sorties. Chacune a été «préparée et exécutée avec un grand soin pour éviter les victimes civiles», s'est défendue dimanche l'OTAN.

M. Ibrahim a au contraire accusé l'OTAN de commettre des actes «barbares» en visant «délibérément des civils».

Ces événements interviennent à un moment difficile pour l'OTAN. Le 10 juin, la Norvège, qui a envoyé six chasseurs F-16 pour contribuer aux frappes, a annoncé qu'elle allait réduire son engagement, puis qu'elle y mettrait fin à compter du 1er août, deux mois avant l'expiration de l'actuel mandat de l'OTAN.

Ce pays est le premier de la coalition à planifier ouvertement son retrait des opérations.

Mais la contestation la plus forte vient des États-Unis, où le président Barack Obama se prépare à un conflit ouvert cette semaine au Congrès, dont nombre de membres ne digèrent pas qu'il ne les ait pas consultés pour autoriser l'intervention.

Depuis le 15 février, le conflit a fait entre «10 000 et 15 000» morts et obligé près de 952 000 personnes à prendre la fuite, selon des organisations internationales.

Sur le plan financier, la Banque centrale des Émirats arabes unis a ordonné le gel des avoirs de 19 personnalités et sociétés libyennes, en application des sanctions internationales contre le régime de Mouammar Kadhafi, de plus en plus isolé.