Le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, dont le régime fait face à un mouvement de contestation depuis plus de trois mois, est «de plus en plus isolé», a affirmé jeudi le plus haut gradé américain, alors que la Russie croyait encore à une résolution du conflit par des négociations.

Sur le terrain, Tripoli a de nouveau été la cible de raids aériens nocturnes de l'OTAN, à la tête depuis le 31 mars de l'opération militaire lancée par une coalition internationale après plus d'un mois de révolte réprimée dans le sang par Tripoli.

«De mon point de vue, il y a eu ces derniers jours des signes (qui montrent que) Kadhafi est de plus en plus isolé», a affirmé jeudi le chef d'état-major interarmées américain Michael Mullen, en référence à la défection annoncée mercredi du ministre du Pétrole du régime de Kadhafi, Choukri Ghanem, qui s'ajoute à des dizaines d'autres personnalités ou officiers.

M. Mullen a aussi fait part d'informations annonçant la défection de «jeunes généraux» libyens.

La Russie, qui s'est récemment posée en médiateur dans cette guerre menacée d'enlisement, a appelé à des négociations pour régler le conflit et annoncé qu'elle allait dépêcher un «envoyé spécial» une médiation à Benghazi, fief des rebelles dans l'Est du pays, et à Tripoli.

Un peu plus tôt, le président russe Dmitri Medvedev avait déclaré que son pays aimerait «autant que possible que le problème soit résolu à travers des négociations et pas par des moyens militaires», tout en reconnaissant que c'était une voie «très difficile».

Traditionnellement opposée à toute ingérence, la Russie, proche alliée de la Libye, a levé ses réticences à réclamer ouvertement le départ du colonel Kadhafi, fin mai à l'issue du G8 de Deauville.

En dépit des pressions internationales, des sanctions, des défections parmi ses proches et des frappes aériennes de l'OTAN, le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis près de 42 ans, refuse de quitter le pouvoir.

Face à cette attitude de défi, le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a annoncé mercredi une prolongation pour trois mois de la mission de l'Alliance en Libye, prévue initialement jusqu'à fin juin. Il a aussi assuré que le départ du dirigeant libyen n'était qu'une question de temps.

Le conflit a fait entre «10 000 et 15 000 morts» depuis le 15 février selon un bilan compilé par l'ONU.

Une commission d'enquête créée par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a dénoncé mercredi «des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis par les forces du gouvernement», évoquant «un recours excessif à la force contre les manifestants» ainsi que des disparitions forcées.

Du côté de la rébellion, la commission a dit avoir «trouvé quelques actes qui constituent des crimes de guerre», notamment des cas de «torture».

Comme régulièrement depuis plus d'une dizaine de jours, l'OTAN a mené dans la nuit de mercredi à jeudi des raids intensifs sur Tripoli, où au moins une douzaine de puissantes explosions ont retenti.

Selon le gouvernement libyen, 718 civils ont été tués et 4067 blessés dans les raids internationaux entre le 19 mars, date du début de l'opération militaire en Libye, et le 26 mai, un bilan qui ne peut être confirmé de source indépendante et dont l'OTAN doute.

Sur le plan humanitaire, entre 200 et 270 migrants africains et asiatiques fuyant la Libye ont disparu jeudi au large des côtes tunisiennes et près de 600 autres ont dû être secourus, alors qu'ils tentaient de rejoindre l'Italie à bord d'une embarcation qui a fait naufrage, ont annoncé jeudi les autorités tunisiennes.

Plus de 890 000 personnes, essentiellement des travailleurs migrants, ont été contraintes à la fuite, alors que 1200 sont mortes ou portées disparues après avoir quitté la Libye pour rejoindre l'Europe en bateau, selon l'ONU.

Sur le plan diplomatique, Malte a rejoint mercredi la France, l'Italie, le Royaume-Uni, le Qatar, la Gambie et la Jordanie en annonçant considérer le CNT comme «le seul représentant légitime du peuple libyen».