La situation des habitants de Misrata, dernière ville de l'Ouest libyen encore tenue par l'insurrection, pourrait s'améliorer. Le gouvernement Kadhafi a accepté que les Nations unies fournissent une aide humanitaire aux quelque 300 000 civils soumis au siège et aux bombardements des forces de Tripoli depuis une cinquantaine de jours.

L'ONU mène déjà une opération humanitaire basée à Benghazi, fief de l'opposition dans l'Est, mais son secrétaire général, Ban Ki-moon, a estimé lundi que les besoins de base de dizaines de milliers de Libyens n'étaient pas satisfaits et ajouté que l'organisation assurerait également «une présence humanitaire» dans la capitale, Tripoli, sous contrôle du colonel Kadhafi. De là, elle essaiera d'étendre ses opérations avec l'aide notamment de la Croix-Rouge.

«Étant donné l'ampleur de cette crise et dans la mesure où les combats se poursuivent, il est absolument nécessaire que les autorités libyennes cessent les combats et arrêtent de tuer des gens», a ajouté M. Ban lors d'une conférence de presse à Bucarest (Hongrie).

Le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, a confirmé que l'accord conclu dimanche prévoyait la création d'un couloir humanitaire vers Misrata, troisième ville de Libye, afin de «permettre à la population de quitter Misrata en sécurité et de fournir de l'aide, des vivres et des médicaments».

Il a ajouté que les organisations humanitaires internationales auraient libre accès à la ville et que les services de base tels que l'électricité et l'eau seraient assurés, alors que, selon des habitants, ils sont actuellement gravement perturbés.

Tripoli nie utiliser des armes lourdes contre Misrata, où les insurgés s'accrochent à leurs positions cruciales près du port, seule ouverture sur le reste du monde. Des habitants et responsables hospitaliers de la ville ont cependant fait état de bombardements intensifs pendant le week-end, qui auraient fait 17 morts dimanche. Parmi les victimes de ces derniers jours figurent des enfants et des personnes âgées, selon des responsables onusiens.

Selon Rida al-Montasser, militant de Misrata, les forces de Kadhafi continuaient de tirer des roquettes et obus de chars sur la ville lundi, les insurgés luttant pour garder le contrôle du centre, dont ils ont chassé les forces gouvernementales.

Valérie Amos, qui était lundi à Benghazi, a dit avoir reçu l'assurance du gouvernement libyen que les Nations unies pourraient se rendre à Misrata mais a souhaité que l'accès se fasse également «par la route» et qu'une «évaluation indépendante des besoins» puisse être réalisée «à Misrata mais aussi dans d'autres villes vulnérables».

Lundi, près d'un millier de personnes ont pu embarquer à bord d'un navire humanitaire dépêché par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), mais cette dernière estime qu'au moins 4000 autres immigrés, dont des femmes et des enfants, restent bloqués dans la zone portuaire.

La plupart des passagers étaient des travailleurs immigrés mais on comptait aussi une centaine de Libyens, dont 23 blessés dans les combats, y compris un enfant atteint par balle au visage et un amputé, selon l'OIM. «Nous aurions voulu emmener plus de gens mais cela n'a pas été possible, a expliqué Jeremy Haslam, qui dirigeait l'opération. Bien que les tirs aient baissé en intensité pendant l'embarquement, jusqu'à laisser s'installer un silence inquiétant à un moment, nous ne disposions que d'un temps très limité pour faire monter (les passagers) et partir».

De nombreux réfugiés vivent depuis bientôt deux mois à la belle étoile ou dans des conteneurs de la zone portuaire de Misrata, sans eau ni médicaments, et leurs provisions sont en train de s'épuiser. Beaucoup sont faibles et déshydratés, prévient l'OIM. L'organisation a besoin d'argent pour affréter un plus gros bateau et les évacuer tous en un seul voyage, estime Jeremy Haslam. Rida al-Montasser a fait état d'autres immigrés des villes environnantes qui feraient route vers Misrata dans l'espoir d'être évacués.

Le ministre allemand de l'Économie, Rainer Brüderle, a suggéré de financer la mission humanitaire de l'ONU en Libye avec les avoirs gelés du gouvernement Kadhafi mais un responsable allemand ayant requis l'anonymat a souligné qu'il faudrait pour cela «un accord international multilatéral». Le gouvernement libyen estime le montant de ses avoirs gelés dans le monde à environ 120 milliards $ US.

Pour l'heure, la situation semble bloquée en Libye, deux mois après le début de l'insurrection armée contre le colonel Kadhafi, au pouvoir de puis 1969. La ligne de front avance et recule au fil des batailles dans le désert près d'Ajdabiya, ville de l'Est considérée comme un verrou stratégique vers Benghazi, plus au nord. Les combats continuaient lundi.