Les forces fidèles à Mouammar Kadhafi ont repoussé samedi à coups de tirs d'artillerie une offensive des rebelles dans la région de Brega (est), à la veille d'une nouvelle mobilisation diplomatique pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu.

La situation était particulièrement mouvante samedi dans la région située entre le site pétrolier de Brega et la ville d'Ajdabiya, 80 km plus à l'est, où se concentre l'essentiel des combats depuis plus d'une semaine.

Alors que les insurgés s'étaient rapprochés à quelques dizaines de kilomètres de Brega, ils ont de nouveau essuyé des tirs d'obus et roquettes qui les ont obligés à battre en retraite.

Ce mouvement de va-et-vient le long de la route séparant Brega et Ajdabiya, dure depuis le milieu de la semaine dernière.

Samedi après-midi, une violente explosion a secoué Ajdabiya, suivie d'un immense panache de fumée, selon un correspondant de l'AFP. Plusieurs témoins ont assuré qu'il s'agissait d'une frappe aérienne de l'OTAN. Une information réfutée par l'organisation militaire internationale. Un responsable de l'OTAN a déclaré qu'aucun avion de l'alliance n'avait effectué de frappes samedi sur la ville libyenne d'Ajdabiya, où s'est produite une la forte explosion attribuée par des habitants à une attaque aérienne.

«Nous pouvons confirmer qu'il n'y a pas eu de frappes de l'OTAN dans la ville d'Ajdabiya», a dit à l'AFP un responsable de l'OTAN sous le couvert de l'anonymat.

«Nous continuons à attaquer des forces gouvernementales à travers le pays. Nous avons vérifié que la frappe aérienne présumée à Ajdabiya n'était pas le résultat (d'une opération) de l'OTAN», a ajouté ce responsable.

Des avions de combat britanniques ont quant à eux bombardé des chars de l'armée libyenne près des villes de Misrata (nord-ouest) et d'Ajdabiya (est), a annoncé samedi le ministère britannique de la Défense.

Des Tornado de la Royal Air Force ont touché sept chars vendredi, deux dans le secteur d'Ajdabiya et cinq dans celui de Misrata, a précisé le ministère dans un communiqué.

Des Eurofighter ont mené de leur côté des patrouilles dans le cadre de la zone d'exclusion aérienne mise en place au-dessus de la Libye.

Le Royaume-Uni participe aux frappes aériennes internationales en Libye, autorisées par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies pour protéger la population civile.

Des dizaines de voitures fuyaient la ville d'Ajdabiya vers l'est et le nord en milieu de journée, direction Benghazi, le fief rebelle situé à 160 km plus au nord.

En chemin, des journalistes de l'AFP ont vu un hélicoptère militaire, arborant les couleurs du drapeau des rebelles, volant à très basse altitude en sens inverse, dans la direction du front. Et ce, en violation de la zone d'exclusion aérienne mise en place par la coalition internationale depuis le 19 mars.

On ignorait en milieu d'après-midi la nature de la mission de cet hélicoptère, et sa provenance.

Jeudi et vendredi, les tirs d'obus de l'armée régulière avaient déjà provoqué des mouvements de panique parmi les rebelles, forcés de se replier vers la ville d'Ajdabiya, quasiment désertée par ses habitants.

Dans ce contexte mouvementé, l'écrivain français Bernard-Henri Lévy était attendu dans la journée de samedi à Benghazi, point de départ d'une visite «indépendante» d'une semaine dans le pays.

L'intellectuel s'était déjà rendu début mars à Benghazi, où il avait rencontré des membres du Conseil national de transition (CNT) avant d'organiser leur rencontre à Paris avec le président français Nicolas Sarkozy et de plaider pour une intervention militaire.

Parallèlement, les offensives diplomatiques se multiplient depuis quelques jours pour soulager la population et trouver une issue au conflit en Libye.

Alors que l'OTAN et les États-Unis divergent sur les risques d'enlisement de la situation sur le terrain, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE) et la Ligue arabe ont annoncé de nouvelles initiatives, à quelques jours d'une réunion du Groupe de contact sur la Libye, le 13 avril à Doha (Qatar).

La Ligue arabe a annoncé samedi qu'elle accueillerait le 14 avril au Caire une conférence sur la Libye en présence notamment du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton.

Dès dimanche, un groupe de dirigeants africains -le président sud-africain Jacob Zuma et ses homologues du Congo, du Mali, de Mauritanie et d'Ouganda- est par ailleurs attendu en Libye. Objectif affiché de ce «panel» de médiateurs de l'UA: rencontrer le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi puis des responsables de l'insurrection dans leur fief de Benghazi (est) dimanche et lundi, pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu.

À la veille de leur arrivée, la rébellion a par avance rejeté toute idée d'un cessez-le-feu impliquant le maintien au pouvoir de Mouammar Kadhafi ou de ses fils.

«Nous savons exactement ce que nous voulons. Si eux (les chefs d'État africains) pensent qu'il peut y avoir une période de transition avec Kadhafi ou ses fils, alors ils doivent se rendre à Misrata (ville théâtre de violents affrontements, NDLR) où des femmes et des enfants ont été violés et leur dire ça», a averti Moustapha Gheriani, un porte-parole de la rébellion.

Mardi, les ministres européens des Affaires étrangères ont de leur côté prévu de rencontrer un représentant du CNT, une première pour l'UE dans son ensemble. La France, le Qatar et l'Italie ont déjà reconnu officiellement cet organisme représentatif des insurgés.

L'Union européenne se prépare en outre à lancer une mission militarohumanitaire pour aider la population assiégée de Misrata, bombardée depuis un mois et demi par les forces de Kadhafi.

L'une des préoccupations de ces missions est l'envoi d'aide humanitaire à la population libyenne, notamment à Misrata où plusieurs bateaux transportant de l'aide alimentaire et médicale sont arrivés ces derniers jours.

Kadhafi à l'école

La télévision libyenne a montré des images du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi dans une école à Tripoli, affirmant que cette visite avait eu lieu samedi matin.

L'agence officielle libyenne Jana a indiqué de son côté que le colonel Kadhafi a effectué samedi une «visite d'inspection» à l'école «Jeel Al-Wehda» (génération de l'unité) dans le secteur de Zenata, à Tripoli.

Selon l'agence, les avions des «croisés» de l'OTAN continuent à survoler cette école dans «un acte terroriste visant à terrifier les élèves».

«Mais ces élèves défiaient l'agression et le terrorisme (...) et poursuivaient leurs cours sans arrêt ou suspension des cours», a affirmé Jana.

«Le frère leader de la révolution et le commandant suprême a ordonné de décerner le prix du courage aux élèves, aux enseignants et au personnel de cette école», a-t-on ajouté de même source.

La Croix-Rouge à Misrata

Un navire affrété par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a notamment accosté samedi à Misrata, avec à son bord suffisamment de fournitures médicales pour soigner 300 blessés, a annoncé le CICR.

«Nous avons envoyé ce bateau en soutien à l'hôpital principal de Misrata. Nous lui livrons ainsi suffisamment de fournitures médicales pour que 300 patients blessés par armes puissent être soignés sur place», a déclaré Jean-Michel Monod, qui dirige l'équipe du CICR à Tripoli.

«Nous espérons pouvoir fournir davantage de secours dans les prochains jours», a-t-il ajouté.

La cargaison contient notamment un autoclave pour stériliser les instruments chirurgicaux, des fournitures médicales et des médicaments pour traiter les personnes blessées par armes, des civières, des instruments chirurgicaux, des couvertures et des biscuits protéinés.

Cinq collaborateurs du CICR venus évaluer la situation à Misrata et les besoins des civils dans la ville étaient également à bord.

Le CICR remettra la cargaison au personnel médical de l'hôpital et à un comité local qui distribuera les fournitures en fonction des besoins.

Le port de Misrata, situé à quelque 200 km à l'est de Tripoli, a été le théâtre de combats incessants au cours des trois dernières semaines. Selon l'opposition libyenne, 200 personnes ont été tuées à Misrata depuis le début des combats.

Le CICR a précisé que cette opération s'inscrivait dans le cadre d'une extension de ses activités à la partie occidentale de la Libye avec «le soutien à la fois des autorités de Tripoli et du Conseil national de transition de Benghazi».

«Une équipe composée de deux délégués du CICR et de trois collaborateurs du Croissant-Rouge libyen» a quitté Tripoli samedi matin «pour se rendre dans la ville de Zawiyah et y réaliser une évaluation initiale de la situation, axée principalement sur les soins de santé», a déclaré Georgios Georgantas, le chef adjoint des opérations du CICR pour l'Afrique du Nord et de l'Ouest.

Les forces du régime du colonel Mouammar Kadhafi ont repris le contrôle de cette ville située à 50 km à l'ouest de Tripoli à la suite de violents combats contre l'insurrection.

Selon un porte-parole des rebelles à Misrata -la troisième ville du pays-, située à quelque 210 km à l'est de Tripoli, quatre personnes ont été tuées, dont deux enfants, et dix blessées vendredi par des obus et des roquettes tirés sur des maisons. Outre les tirs d'artillerie, des tireurs d'élite sont positionnés sur les toits et visent des civils, y compris des enfants, selon les insurgés.