Le site pétrolier de Brega, dans l'est de la Libye, a été vendredi le théâtre d'intenses combats entre les forces de Mouammar Kadhafi et les rebelles, qui ont proposé un cessez-le-feu sous certaines conditions, rejetées par Tripoli dans la soirée.

À Benghazi, fief des rebelles à 1000 km à l'est de la capitale, Moustapha Abdeljalil, chef du Conseil national de transition (CNT) mis en place par la rébellion, s'est dit prêt à respecter un cessez-le-feu, à deux conditions: «que nos frères dans les villes de l'ouest puissent s'exprimer librement et que les forces (pro-Kadhafi) qui assiègent nos villes se retirent».

Mais Tripoli a rejeté ces conditions vendredi soir, affirmant que les troupes gouvernementales ne quitteraient pas les villes qu'elles contrôlaient.

«Les rebelles n'ont jamais offert la paix. Ils font des demandes impossibles», a déclaré Moussa Ibrahim, porte-parole du régime, estimant que la proposition des rebelles était «une ruse». «Nous ne quitterons pas nos villes. C'est nous le gouvernement, pas eux», a-t-il insisté, réaffirmant toutefois que le régime était prêt à la paix et au dialogue.

En milieu de journée, la ligne de front se situait à 800 km à l'est de Tripoli, aux environs de Brega, mais il était impossible de savoir de source indépendante qui contrôlait la localité, selon des journalistes de l'AFP.

Onze personnes dont huit civils ont péri en trois jours dans la zone disputée, selon des sources médicales à Ajdabiya, à 80 km à l'est de Brega: cinq civils sont morts mercredi, trois jeudi et trois rebelles vendredi. De plus, 10 insurgés ont été blessés.

Les versions divergeaient cependant sur les circonstances exactes de la mort des civils, l'une affirmant qu'ils avaient été tués dans des raids aériens de la coalition internationale et l'autre disant qu'ils l'avaient été par les forces du colonel Kadhafi.

Tripoli a accusé vendredi soir la coalition internationale de commettre des «crimes contre l'humanité» en bombardant des civils, notamment dans l'est. Selon Moussa Ibrahim, six civils ont été tués jeudi par des frappes de la coalition à Bouargoub, un petit village près de Brega.

En fin d'après-midi, les combats à l'artillerie lourde continuaient, les rebelles utilisaient des lance-roquettes multiples de gros calibre, et le bruit des détonations résonnait jusqu'à Ajdabiya.

Après avoir battu en retraite sous les bombardements de la coalition internationale, les troupes de Mouammar Kadhafi ont marqué des points sur le terrain ces derniers jours, reprenant plusieurs localités aux insurgés, en particulier le site pétrolier de Ras Lanouf.

Selon le plus haut gradé américain, l'amiral Mike Mullen, les conditions météorologiques ont réduit ces derniers jours l'efficacité des frappes de la coalition internationale, dans la mesure où les avions ne pouvaient pas toujours «voir les cibles avec précision».

Vendredi matin, les rebelles, sous-équipés et moins bien organisés que l'armée loyaliste, ont tenté de remettre de l'ordre dans leur organisation.

Devant la porte ouest d'Ajdabiya, Abdelkarim Mansouri, 54 ans, criait les nouvelles consignes: «Plus de civils! Plus de voitures civiles. Seuls les soldats et le ravitaillement peuvent passer!»

Il s'agit là qu'une «nouvelle tactique», a-t-il expliqué à l'AFP. «On ne veut plus que les chebab (jeunes) se fassent tuer. La guerre n'est pas une distraction».

Les puissances occidentales cherchent une solution politique plutôt que militaire au conflit, qui a éclaté le 15 février avec les premières manifestations en faveur de la démocratie à Benghazi.

«La situation en Libye ne peut pas être résolue par des moyens militaires. Il peut seulement y avoir une solution politique», a insisté le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle.

Un proche conseiller du clan Kadhafi, en visite dans sa famille à Londres, est reparti porteur d'un «message fort» du gouvernement britannique, selon une source gouvernementale à Londres. Selon le quotidien britannique The Guardian et la BBC, Mohammed Ismail aurait été envoyé à Londres pour tenter de trouver une porte de sortie au dirigeant libyen.

Car si ses troupes ont marqué des points sur le terrain ces derniers jours, Mouammar Kadhafi a subi un revers important sur le plan politique avec la défection, annoncée mercredi soir, de l'une des principales figures du régime, le ministre des Affaires étrangères Moussa Koussa.

L'OTAN a pris jeudi matin le commandement de toutes les opérations, assumées depuis le 19 mars par la coalition menée par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Selon son secrétaire général Anders Fogh Rasmussen, la mission sera accomplie «quand il n'y aura plus de menaces contre la population civile».

Vendredi, la rébellion a annoncé avoir passé un accord avec le Qatar pour commercialiser le pétrole brut des zones qu'elle contrôle en échange de livraisons de nourriture, médicaments et carburant, précisant qu'elle espérait aussi pouvoir acheter des armes avec les revenus du pétrole.

Et l'Union européenne s'est dite prête à déclencher, si l'ONU le demandait, une opération militaire humanitaire afin de répondre à la situation de crise en Libye.