Paris a annoncé vendredi que les «frappes militaires contre Kadhafi auront lieu rapidement», le dirigeant libyen promettant l'«enfer» à ceux qui attaqueraient la Libye, après le vote par l'ONU dans la nuit d'une résolution ouvrant la voie à un recours à la force.

Des combats se sont déroulés dans l'Ouest libyen jeudi soir et vendredi matin.

Les forces loyalistes continuaient à pilonner Misrata (200 km à l'est de Tripoli), selon un porte-parole des insurgés qui contrôlent la ville. À Nalout et Zenten, deux villes sous contrôle de l'opposition, cette dernière a affronté des forces loyales à Mouammar Kadhafi, ont rapporté des habitants.

Dans l'Est, le fief rebelle de Benghazi était calme, après une nuit de festivités qu'aucune intervention militaire n'a marquée, selon les journalistes de l'AFP sur place. Le colonel Kadhafi avait pourtant annoncé que les forces gouvernementales allaient attaquer Benghazi dans la soirée de jeudi.

Les habitants se préparaient à la prière hebdomadaire sur une place du centre-ville décorée du drapeau rouge-noir-vert adopté par l'insurrection, et de photos de victimes.

Les frappes militaires contre le régime libyen interviendront «rapidement», «dans quelques heures», a assuré vendredi le porte-parole du gouvernement français, disant ne pas vouloir préciser pour l'instant exactement «quand, comment, sur quelles cibles, sous quelles formes».

L'agence européenne de contrôle aérien (Eurocontrol) a interdit les vols civils vers la Libye.

Le colonel Kadhafi a menacé de «transformer en enfer la vie» de ceux qui attaqueraient la Libye, dans une interview à la télévision publique portugaise RTP réalisée quelques heures avant le vote de l'ONU.

«La mer Méditerranée sera ravagée. Aucun trafic aérien ou maritime ne sera sécurisé», a-t-il ajouté.

Jeudi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté en faveur d'un recours à la force contre les troupes pro-Kadhafi, ouvrant la voie à des frappes aériennes après plus d'un mois d'une insurrection réprimée dans le sang.

La résolution autorise «toutes les mesures nécessaires» pour protéger les civils et imposer un cessez-le-feu à l'armée libyenne. Elle prévoit aussi une zone d'exclusion aérienne mais précise qu'il n'est pas question d'occupation militaire.

Le vice-ministre des Affaires étrangères libyen Khaled Kaaim a indiqué peu après le vote que Tripoli était prêt à un cessez-le-feu sous condition.

À Benghazi, l'annonce de la décision de l'ONU a été accueillie par une explosion de joie.

«Nous n'avons plus peur, nous avons eu assez peur pendant 42 ans. (...) Je n'ai plus peur de l'aviation et de l'artillerie de Kadhafi qui a tué tellement de bons Libyens», a expliqué Saad, un ingénieur de 47 ans.

Sur la scène diplomatique, le ton est plus sceptique.

La Chine, qui comme la Russie, l'Allemagne, le Brésil et l'Inde s'est abstenue lors du vote jeudi, s'est dite «opposée à l'usage de la force militaire dans les relations internationales».

Berlin a mis en garde contre des «risques et des dangers considérables» en cas d'intervention et Moscou a exclu toute participation.

En revanche, la France, le Royaume-Uni et la Norvège participeront à une intervention militaire, et l'Australie en étudie la possibilité. Le Danemark va demander un feu vert au Parlement à l'envoi de F-16 et Varsovie a proposé une aide logistique, excluant toutefois sa participation militaire. Le Canada va de son côté fournir six avions de chasse, selon des médias canadiens. Le Qatar participera à une zone d'exclusion aérienne.

L'Union européenne a salué la décision de l'ONU et s'est dite prête à la «mettre en oeuvre», dans la limite de ses compétences, et l'Otan va débattre de son rôle dans les opérations en Libye.

Sur le terrain, où les forces loyales au colonel Kadhafi ont reconquis ces derniers jours de larges pans de territoire à coups de raids aériens et terrestres, les combats se poursuivaient vendredi.

Misrata a vécu une nuit de tirs à l'arme lourde, «des dizaines de bombes de toutes sortes» s'abattant depuis jeudi soir, selon un porte-parole de la rébellion.

La télévision libyenne avait affirmé jeudi que les forces gouvernementales s'étaient emparées de cette ville, la troisième du pays, mais un porte-parole de l'opposition a démenti.

Toute attaque contre des civils à Benghazi constituerait un crime de guerre, a mis en garde vendredi le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo, qui a ouvert début mars une enquête pour crimes contre l'humanité en Libye visant notamment le colonel Mouammar Kadhafi et ses fils.

Après les menaces de Kadhafi sur Benghazi jeudi soir, CNN a affirmé avoir reçu dans la nuit un appel de son fils Seif Al-Islam, selon qui le colonel aurait changé de tactique pour des raisons humanitaires et ne prévoyait plus d'entrer dans Benghazi dans l'immédiat mais de prendre position autour.

Quelque 300 000 personnes ont fui les violences en Libye, selon le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), qui s'attend à ce que 1 500 à 2 500 personnes continuent d'en faire autant chaque jour.