La ville clé d'Ajdabiya se préparait à subir un assaut des forces de Mouammar Kadhafi qui avancent sur la «capitale» des rebelles Benghazi, les Occidentaux se concertant toujours lundi pour trouver une issue, à près d'un mois d'une insurrection sanglante en Libye.

Dans la matinée, des bombardements ont visé la sortie ouest d'Ajdabiya, carrefour routier vital entre plusieurs villes de l'Est que les rebelles ont promis de défendre, tandis que de nombreux civils fuyaient la ville.

Benghazi, fief de l'insurrection situé à 160 km au nord d'Ajdabiya, pourrait vite se retrouver menacée, les forces gouvernementales ayant repris l'une après l'autre plusieurs villes aux rebelles, notamment Brega dimanche, à coups d'artillerie lourde et de raids aériens.

Pressés par les rebelles de leur venir en aide et surtout d'empêcher le colonel Kadhafi d'utiliser son aviation, les Occidentaux et les Russes se concertaient lors d'une réunion des chefs de la diplomatie du G8, au sujet notamment de l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne.

Mais le temps semble jouer en la défaveur des rebelles, l'armée libyenne annonçant dimanche qu'elle était en marche «pour purger» l'ensemble du pays.

La ligne de front se déplace davantage vers l'Est.

À 6 km à l'ouest d'Ajdabiya, désormais en première ligne, des rebelles sur place ont affirmé à l'AFP que quatre obus étaient tombés à proximité d'un rond-point, faisant cinq blessés selon un médecin à l'hôpital de la ville.

Un officier de l'aviation libyenne ayant rejoint l'insurrection, Jamal Mansour, a indiqué qu'il s'agissait de raids aériens menés par des bombardiers Sukhoï 24, de fabrication russe.

Sur la route entre Ajdabiya et Benghazi, de nombreux civils fuyaient la ville à bord de camionnettes chargées de valises, de sacs et de matelas.

«Les forces de Kadhafi pratiquent la politique de la terre brûlée», a affirmé le colonel Mansour, dans un bâtiment autour duquel sont déployés des pick-up équipés de canons anti-aériens.

Reconnaissant que les rebelles étaient «du point de vue logistique très limités», il a appelé les Occidentaux à «mener des frappes ciblées sur les installations militaires pour soulager l'étau», et suggéré que Paris demande «de façon unilatérale de bombarder».

À Benghazi, deuxième ville du pays à un millier de kilomètres à l'est de Tripoli, l'euphorie des premières semaines de la révolte a fait place à l'inquiétude, et les regards sont tournés vers l'étranger.

Mais, divisés sur les moyens de mettre un terme à la répression --bombardements, zone d'exclusion aérienne, fourniture d'armes à l'opposition-- les Occidentaux sont pris de vitesse par les victoires du régime sur le terrain.

La zone d'exclusion aérienne, réclamée avec force par les rebelles et soutenue par la Ligue arabe, ne semble pas convaincre la Chine ni la Russie, toutes deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. Moscou a toutefois interdit lundi au dirigeant Mouammar Kadhafi et à sa famille de pénétrer en Russie et d'y mener des opérations financières.

«Si les forces de Kadhafi sont aux portes de Benghazi et qu'il n'y a pas de zone d'exclusion aérienne, bien sûr qu'on se battra», a déclaré Abdelhafez Ghoqa, porte-parole du Conseil national de transition libyen (CNT) qui représente l'opposition et siège à Benghazi.

«On peut s'attendre à tout d'un homme comme Kadhafi, mais nous ferons le maximum pour gagner», dit-il en réponse à une question sur un éventuel bombardement de Benghazi.

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui entamait lundi une tournée en Europe, en Tunisie et en Egypte, prévoit de rencontrer à Paris Mahmoud Jibril, chargé des affaires internationales par le CNT.

La répression sanglante de l'insurrection a fait des centaines de morts et poussé à la fuite plus de 250.000 personnes.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a annoncé dimanche avoir envoyé depuis la Jordanie sept camions chargés de nourriture et de médicaments vers Benghazi. Dix camions supplémentaires devront suivre.

Dans l'Ouest, les rebelles contrôlaient toujours Misrata (150 km à l'est de Tripoli), mais des tirs d'armes automatiques résonnaient aux abords de la ville, selon un habitant.

Les forces du colonel Kadhafi ont également attaqué Zouara (ouest), une ville de 20 000 habitants dont la plupart ont des origines amazighes (berbères) contrôlée par la rébellion.

À Tripoli, elles réprimaient toute opposition «avec brutalité», à coups d'arrestations arbitraires, de disparitions forcées, voire de tortures, selon l'organisation Human Rights Watch.

L'armée libyenne a annoncé que les soldats ayant rejoint les insurgés seront «graciés» s'ils se rendent, selon la télévision d'État.

Le colonel Kadhafi a par ailleurs invité des firmes chinoises, russes et indiennes à venir exploiter le pétrole, après le départ de la majorité des compagnies étrangères. La Compagnie pétrolière nationale avait appelé à la reprise du travail affirmant que les ports pétroliers étaient désormais «sûrs» et «opérationnels"

La compagnie Total avait indiqué que la production libyenne était passée de 1,4 million à 300 000 barils par jour.

Un responsable d'Al-Qaïda, le Libyen Abou Yahya al-Libi, a appelé les insurgés à poursuivre leur combat «sans hésitation et sans peur», dans une vidéo diffusée dimanche sur des sites islamistes, première réaction du réseau extrémiste depuis le début de l'insurrection le 15 février, dont le colonel Kadhafi lui a régulièrement imputé la responsabilité.