L'instauration d'une zone d'exclusion aérienne en Libye nécessiterait une vaste opération afin d'interdire aux avions militaires libyens de réprimer les civils mais ne résoudrait pas la situation sur le terrain, selon des responsables et experts américains.

Une telle opération, considérée comme un acte de guerre, requiert un blanc-seing de l'ONU comme base légale. Sur le plan militaire, elle est «extraordinairement» compliquée à mettre en oeuvre, a prévenu le plus haut gradé américain, l'amiral Mike Mullen.

Dans un pays grand comme quatre fois l'Irak -même si la population se trouve essentiellement le long des côtes- l'opération nécessite des chasseurs-bombardiers, des avions de surveillance aérienne de type Awacs, des  avions-ravitailleurs et des avions de guerre électronique pour brouiller les radars et communications ennemies. Sans compter les hélicoptères et équipes de sauvetage pour récupérer d'éventuels pilotes abattus.

Cela implique chaque jour entre 50 et 70 appareils, estime Barry Watts, expert au Centre d'évaluation stratégique et budgétaire (CSBA), un centre de réflexion de Washington.

Ces avions peuvent décoller de porte-avions et de bases à terre.

Aucun porte-avions ne se trouve actuellement sur zone, même si l'USS Enterprise croise en mer Rouge et le Charles-de-Gaulle français vient de rentrer à Toulon.

«Le plus gros problème risque d'être de trouver des bases aériennes assez proches pour opérer», explique à l'AFP Barry Watts. L'Italie est le pays de l'Otan le plus proche mais utiliser les bases italiennes suppose l'accord de Rome.

Selon le colonel David Lapan, porte-parole du Pentagone, les planificateurs du ministère américain de la Défense évaluent actuellement le nombre d'appareils requis, les moyens en mer et à terre pour pouvoir mettre en place la zone d'exclusion si le président Barack Obama le décide.

L'opération une fois ordonnée, elle débuterait par «une attaque sur la Libye pour détruire les défenses anti-aériennes», a prévenu le secrétaire américain à la Défense Robert Gates.

Nombre de batteries de missiles «ne sont pas pourvues de servants, ou alors ils sont à un niveau de préparation très bas», explique à l'AFP Anthony Cordesman, expert au Centre pour les études internationales et stratégiques (CSIS).

La Libye disposerait d'une centaine de missiles anti-aériens SA-2, dont la conception remonte aux années 1950, et d'environ 70 SA-6, plus récents, selon le site spécialisé Globalsecurity.org.

Selon M. Cordesman, la supériorité aérienne alliée doit être suffisante pour dissuader l'aviation libyenne d'intervenir.

L'aviation du colonel Mouammar Khadafi disposerait de plus 300 avions de combat, essentiellement de vieux MiG-23 et MiG-25, dont plus de la moitié ne seraient pas opérationnels, selon Globalsecurity.

«Les MiG-25 et MiG-23 n'ont jamais eu beaucoup de chance quand ils ont titillé l'US Navy», la Marine américaine dans les années 1980, relativise Barry Watts.

«Je connais nos forces armées. En termes de comportement passé et de doctrine, elles voudront aller amocher tous les terrains d'aviation libyens», pour minimiser les risques, estime-t-il.

Pour le colonel Lapan, «faire des cratères sur les pistes pourrait avoir un impact mais ne résoudrait pas les problèmes».

Cela n'empêcherait pas les hélicoptères d'attaque, plus difficiles à traquer, de s'en prendre aux populations, selon Anthony Cordesman pour qui «les forces de Kadhafi pourraient peut-être avoir raison des rebelles malgré une zone d'exclusion».

L'ambassadeur américain à l'Otan, Ivo Daalder, l'a reconnu lundi: l'activité aérienne libyenne jusqu'ici «n'a pas été un facteur décisif» face aux rebelles.