Israël a mis en garde Moscou lundi sur les conséquences de sa décision de renforcer la défense antiaérienne de son allié syrien à la suite de la destruction par erreur d'un avion russe, dont le Kremlin juge l'État hébreu responsable.

Une semaine après la destruction d'un Iliouchine Il-20 de l'armée russe au-dessus de la Méditerranée par la défense antiaérienne syrienne répliquant à des frappes israéliennes, la Russie a fait monter d'un cran la tension en annonçant la livraison sous deux semaines de ses missiles S-300 au régime de Bachar al-Assad, qui dispose pour l'instant de S-200 moins modernes.

Lors d'un appel téléphonique à Vladimir Poutine, Benyamin Nétanyahou a averti que «transférer des systèmes armés sophistiqués dans des mains irresponsables allait renforcer les risques dans la région» et ajouté qu'Israël allait «continuer à défendre sa sécurité et ses intérêts», selon les services du premier ministre israélien.

Sur le déroulé des faits, les deux hommes ont semblé avoir un dialogue de sourds, chacun campant sur sa version des faits.

Moscou affirme d'une part avoir été prévenu trop tard des frappes israéliennes pour mettre en sécurité son avion, dont les 15 occupants sont morts, et d'autre part que les pilotes israéliens, qui visaient des dépôts de munitions dans la province syrienne de Lattaquié, se sont servis de l'appareil comme bouclier face aux tirs syriens.

Israël dément ces deux accusations et Benyamin Nétanyahou a réaffirmé sa confiance lundi à la version de son armée de l'air, qui avait dépêché jeudi à Moscou son chef d'état-major pour s'expliquer.

«Ce sont précisément les actions de l'armée israélienne qui sont la principale cause de la tragédie», a répliqué Vladimir Poutine au premier ministre israélien, selon le Kremlin.

Il a assuré que le renforcement des capacités de défense du régime de Bachar al-Assad, annoncé quelques heures plus tôt par son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, «vise avant tout à éviter toute menace potentielle pour la vie des militaires russes».

D'ici deux semaines, l'armée syrienne va recevoir des batteries antiaériennes S-300, dont la livraison décidée en 2010 était retardée en raison de l'opposition d'Israël, avec qui la Russie entretenait de bonnes relations.

Ces systèmes «sont capables d'intercepter des appareils sur une distance de plus de 250 kilomètres et peuvent frapper en même temps plusieurs cibles dans les airs», a insisté Sergueï Choïgou.

Actuellement, les S-300 opérés par les Russes sont déployés autour de la base navale russe de Tartous, des S-400 plus modernes étant déployés sur la base aérienne de Hmeinim.

Communications brouillées 

Par ailleurs, «la navigation par satellite, les radars de bord et les systèmes de communication d'avions militaires attaquant des cibles sur le territoire syrien seront neutralisés par brouillage électronique dans les zones adjacentes à la Syrie en mer Méditerranée», a indiqué Sergueï Choïgou.

«Nous sommes convaincus que la mise en place de ces mesures va refroidir les têtes brûlées et empêchera les actes irréfléchis constituant une menace pour nos soldats», a averti le ministre russe. «Dans le cas contraire, nous réagirons de manière appropriée», a-t-il ajouté.

Selon une source occidentale cependant, «le message des Russes ne semble pas s'adresser à la coalition» internationale, qui opère plutôt dans l'Est syrien.

Les États-Unis ont néanmoins protesté contre cette décision. «Toute arme supplémentaire destinée à soutenir Assad en ce moment ne fait que le garder dans une position où il menace la région - et la menace, c'est un flot de réfugiés quittant la région, c'est le meurtre de son propre peuple», a déclaré à la presse le ministre américain de la Défense Jim Mattis.

Tout ceci met Assad «dans une position où il peut, en gros, faire encore plus obstruction au règlement de ce conflit», a-t-il ajouté.

Ces tensions témoignent de la manière dont le conflit syrien s'est complexifié depuis qu'il a éclaté en 2011, impliquant désormais de nombreuses puissances aux intérêts parfois contraires, des Occidentaux aux Iraniens, en passant par la Turquie.

«Il y a aujourd'hui cinq armées qui se font face en Syrie et les récents incidents montrent que le risque de guerre régionale est bien réel», a averti chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.

L'armée russe intervient en Syrie depuis septembre 2015 en soutien au régime de Bachar al-Assad, ce qui a permis à ce dernier de reprendre le contrôle d'une grande partie du territoire.

La destruction de l'Iliouchine russe constitue le plus grave accroc au mécanisme de «déconfliction» mis en place entre Israël et la Russie en 2015, afin d'éviter les accrochages entre les armées russe et israélienne en Syrie.

Israël a multiplié en Syrie les bombardements contre des positions gouvernementales, des convois d'armes destinées selon lui au Hezbollah, et de manière intensifiée ces derniers mois contre des cibles iraniennes. Israël reste techniquement en guerre avec la Syrie.