Le régime syrien a intensifié lundi ses frappes sur les quartiers rebelles de la ville de Deraa, dans le sud, poussant des dizaines de familles à fuir dans la crainte d'une vaste offensive contre cette région stratégique.

La pression s'est accentuée sur les territoires rebelles du sud, cible depuis près d'une semaine des bombardements du régime de Bachar al-Assad, et visé depuis samedi soir par les raids aériens de l'allié russe.

Depuis mardi dernier, les violences qui se concentrent sur l'est de la province de Deraa ont fait au moins 28 morts parmi les civils, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

La région, située près de la frontière avec la Jordanie et du plateau du Golan, dont une large partie est annexée par Israël, a pourtant fait l'objet en juillet 2017 d'un cessez-le-feu négocié par Moscou, Washington et Amman.

Mais, ces deux derniers jours, c'est la ville même de Deraa qui a été visée. Fuyant à pied ou en moto, les habitants des quartiers ciblés se sont réfugiés dans les champs d'oliviers à proximité, selon un correspondant de l'AFP.

« Les forces du régime ont lancé 55 missiles sol-sol de courte portée dans la nuit de dimanche à lundi contre des quartiers rebelles de Deraa », a indiqué à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane.

« Des hélicoptères du régime ont largué lundi matin au moins quatre barils d'explosifs sur le secteur ouest de la ville, pour la première fois depuis plus d'un an », a-t-il ajouté.

L'aviation russe a également pilonné lundi des quartiers de Deraa, ainsi qu'une base militaire sous contrôle rebelle au sud-ouest de la ville.

« Cachés entre les arbres »

Après avoir fui la cité, certaines familles se sont installées sous des tentes tandis que d'autres ont élu domicile dans des baraques aménagées ces dernières années dans les champs, selon le correspondant de l'AFP.

« Nous n'avons pas compris ce qui s'est passé. Nous dormions et soudainement nous avons été réveillés par une pluie de missiles (...). Les enfants étaient sous le choc », a raconté Ahmad al-Moussalma, un habitant du centre-ville de Deraa.

« Nous ne savions pas où aller, nous sommes sortis de chez nous, et avons passé la nuit en pyjama dans une plaine, cachés entre les arbres », ajoute le jeune homme de 31 ans.

Les groupes rebelles contrôlent 70 % de la province de Deraa et celle voisine de Qouneitra, tandis que le régime domine la région de Soueida, la troisième de ce trio qui compose le sud syrien.

Pour le moment, les forces du régime se concentrent sur la province de Deraa. Là, elles attaquent sur deux fronts « pour fragmenter la zone (rebelle) en trois poches », explique M. Abdel Rahmane.

Une stratégie déjà adoptée dans la plupart des offensives précédentes du régime, comme dans la Ghouta orientale, près de Damas, souligne-t-il.

Les combats se concentrent sur la base militaire au sud-ouest de la ville de Deraa, prise par les rebelles à l'armée en 2014, ainsi que la localité de Basr al-Harir, dans l'est de la province.

Pourparlers contre offensive

Selon l'OSDH, les bombardements ont déjà fait 20 000 déplacés dans le secteur, tandis qu'au total 750 000 civils vivant dans les zones rebelles sont menacés par les opérations du régime, ont averti les Nations unies.

« Il faut éviter toute crise humanitaire dans le sud de la Syrie en épargnant d'abord les civils (...) et en garantissant l'acheminement de l'aide nécessaire le cas échéant », a averti dimanche le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie, Ali Zaatari.

Le sud syrien fait l'objet depuis des semaines de pourparlers impliquant des puissances régionales et internationales, qui cherchent à éviter une opération militaire du régime.

Mais les États-Unis « ne sont pas sérieusement impliqués dans les négociations et n'interviendront pas militairement », dit le spécialiste du conflit, Sam Heller.

« Washington soutient les efforts jordaniens, mais n'utilisera pas son poids politique ou militaire pour trouver une solution », ajoute-t-il.

Les frappes contre Deraa revêtent deux objectifs, selon l'analyste : exercer une pression en faveur d'un déblocage diplomatique, et le déblayage du terrain en vue « d'une vaste offensive si les pourparlers ne progressent pas ».

Déclenché en 2011 par la répression de manifestations par le régime, le conflit en Syrie s'est complexifié avec l'implication de pays étrangers et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.

Il a fait plus de 350 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.