La tension est vive entre Israël et l'Iran, qui menacent d'en découdre directement en Syrie sur fond de guerre civile.

Alors que l'attention internationale était mobilisée par l'attaque chimique survenue dans la Ghouta orientale et les menaces de représailles américaines, un raid aérien a ciblé, le 9 avril, une base militaire syrienne de la région de Homs, tuant 14 combattants, dont 7 militaires iraniens.

Bien que Tel-Aviv ait refusé de confirmer son rôle dans l'attaque, le régime de Bachar al-Assad, la Russie et l'Iran ont blâmé le pays à l'unisson.

Téhéran est allé un cran plus loin en prévenant, par l'entremise d'un haut responsable proche du Guide suprême iranien Ali Khamenei, que « les crimes » commis par Israël à cette occasion ne resteraient pas impunis.

Le Hezbollah, allié de l'Iran, a souligné dans la même veine que l'assassinat « délibéré » d'Iraniens était une « erreur historique » qui entraînerait d'importantes conséquences.

Israël a déclaré de son côté dans les derniers jours qu'il « continuerait à agir » contre l'Iran en Syrie de manière à éviter que le régime puisse consolider sa position militaire dans le pays, jugeant qu'un tel développement menace sa sécurité.

L'attaque de la base militaire dans la province de Homs fait suite à des mois d'affrontements larvés sur le théâtre syrien.

En février, l'armée israélienne a abattu un drone dirigé par l'Iran à partir de la Syrie qui transportait, selon elle, une charge explosive et visait à perpétrer un acte de sabotage sur son territoire.

Ses avions ont ensuite ciblé une base militaire en Syrie, d'où le drone était apparemment télépiloté. Un jet israélien a été abattu dans l'offensive par les forces syriennes, ce qui a déclenché une nouvelle série d'attaques d'Israël.

Selon l'International Crisis Group (ICG), le gouvernement de Benyamin Nétanyahou a mené près d'une centaine de frappes aériennes en Syrie depuis 2012, officiellement pour freiner le transfert de missiles iraniens au Hezbollah, l'allié de Téhéran au Liban.

À « UN CHEVEU » D'UN CONFLIT DIRECT ?

La frappe de lundi, en faisant plusieurs morts parmi les militaires iraniens, marque une escalade qui inquiète nombre d'analystes. Dans le New York Times, le chroniqueur Thomas Friedman, de retour de la région, a relevé que l'Iran et Israël sont à « un cheveu » d'un affrontement direct d'envergure.

Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l'Université d'Ottawa, pense que ces mises en garde sont alarmistes, puisqu'aucun des pays étrangers actifs en Syrie ne veut pour l'heure d'une crise majeure.

L'Iran, après avoir réussi à sauver le régime allié de Bachar al-Assad avec l'aide de la Russie, cherche actuellement, dit-il, à tirer profit de la situation pour renforcer sa présence militaire dans le pays.

Son objectif, note M. Juneau, est de se mettre en meilleure position par rapport à Israël en augmentant son pouvoir de frappe à partir de la Syrie tout en maintenant son soutien au Hezbollah.

« Le message à Israël est que l'Iran a les moyens de lui faire mal, de plus en plus mal, en cas par exemple d'attaque contre les installations nucléaires iraniennes », indique-t-il.

Ce message ne convient pas à Tel-Aviv, qui a progressivement élargi le champ de son intervention en Syrie pour freiner le déploiement militaire iranien, relève M. Juneau.

Dans un rapport paru il y a quelques jours, l'ICG relève que les actions de Téhéran au Moyen-Orient constituent, du point de vue de ses dirigeants, des actes largement défensifs.

Les critiques de Téhéran, tant en Israël qu'aux États-Unis, affirment plutôt que le régime entretient des visées expansionnistes et citent à l'appui de leur analyse le rôle déterminant joué par l'Iran en Syrie ainsi qu'en Irak, au Liban et au Yémen.

L'ICG prévient qu'il est urgent, dans le contexte actuel de « diabolisation et de méfiance mutuelle », de combler « l'écart de perception » existant relativement aux visées de l'Iran, puisqu'un mauvais calcul pourrait suffire à générer un affrontement majeur.