Des centaines de combattants rebelles et de civils ont quitté jeudi leur fief dans la Ghouta orientale, une première depuis le lancement d'une offensive du régime syrien, déterminé à reconquérir les derniers territoires des insurgés aux portes de Damas.

Plus de 400 combattants figurent parmi les quelques 1500 personnes - hommes, femmes et enfants - qui ont quitté le secteur rebelle de Harasta et ont pris place à bord de 26 autobus blancs, à l'est de la capitale, selon un décompte de l'agence officielle Sana en fin d'après-midi.

Jeudi soir, sur la ligne de démarcation où étaient stationnés ces bus, un correspondant de l'AFP a pu voir des combattants en train de prier en rang, tandis que femmes et enfants effectuaient quelques pas ou se reposaient sur le bas-côté, attendant le feu vert du départ.

Ils doivent à terme «se rendre dans la province d'Idleb», la dernière échappant encore entièrement au régime de Bachar al-Assad, selon une source militaire sur le terrain.

Le pouvoir syrien et son allié russe ont passé un accord avec le groupe rebelle islamiste Ahrar al-Cham pour l'évacuation de Harasta, la plus petite et la moins peuplée des trois poches rebelles qui subsistent dans la Ghouta orientale, cible d'une offensive meurtrière du régime depuis le 18 février.

Mais raids aériens et tirs d'artillerie se poursuivent jeudi sur d'autres localités et ont tué 20 civils, dont 16 ont péri dans des frappes aériennes sur la ville de Zamalka, a indiqué l'OSDH.

Un correspondant de l'AFP sur place a vu d'importants panaches de fumée se dégager des bâtiments touchés.

De leur côté, les rebelles tirent obus et roquette sur Damas, et quatre personnes sont mortes dans la capitale jeudi, selon la télévision d'Etat.

«Ravages»

À Harasta, les sorties ont commencé en fin de matinée, avec plusieurs heures de retard. L'opération pourrait durer plusieurs jours, selon le porte-parole d'Ahrar al-Cham, Munzer Fares.

Au total, quelque 1500 combattants et 6000 membres de leur famille doivent quitter Harasta en plusieurs vagues, selon l'agence officielle syrienne Sana.

Ces sorties interviennent en vertu d'un accord passé avec le régime syrien, dont l'offensive dévastatrice a laminé les territoires rebelles dans la Ghouta.

En plus d'un mois de bombardements aériens et de combats au sol, l'enclave rebelle s'est réduite comme peau de chagrin et les forces du régime en ont déjà reconquis plus de 80%.

Le déluge de feu quotidien a tué plus de 1500 civils, selon l'OSDH.

«Harasta a été entièrement détruite, la situation des habitants était dramatique», a confirmé à l'AFP le chef du conseil local du secteur rebelle de Harasta, Hossam al-Beyrouthi.

«Cette dernière semaine, la moitié des familles n'avaient rien à manger, les maladies font des ravages dans les sous-sols», où les gens vivent terrés pour échapper aux bombardements, a-t-il déploré.

Plus de 80 000 déplacés

L'évolution dans la Ghouta rappelle ce qui s'est passé dans d'autres fiefs rebelles reconquis ces dernières années par le régime, dont celui dans la ville d'Alep fin 2016.

À l'issue de bombardements intenses et de sièges drastiques, les insurgés de ces localités et les civils les soutenant avaient été mis dans des bus, direction Idleb, Amnesty International dénonçant des déplacements forcés de populations.

Cette province a été jeudi la cible de raids aériens «probablement russes», qui ont tué au moins 22 civils dans un marché à Harem, localité frontalière de la Turquie et tenue par un groupe jihadiste, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Appuyé par ses alliés russe et iranien, le pouvoir d'Assad a multiplié les victoires face aux rebelles, mais aussi face aux jihadistes, et a reconquis plus de la moitié de la Syrie.

Dans la Ghouta, l'offensive meurtrière du régime a fait plus de 80 000 déplacés au total.

Pour la seule journée de jeudi, plus de 4000 civils ont quitté la grande ville rebelle de Douma, selon l'OSDH.

Ces civils n'ont jusqu'à présent pas eu d'autre choix que de rejoindre des secteurs gouvernementaux, malgré la crainte de représailles pour certains.

La guerre en Syrie, déclenchée en 2011 avec la répression dans le sang par le régime de manifestations prodémocratie, a fait plus de 350 000 morts et forcé des millions de Syriens à l'exil.

Au fil des ans, le conflit s'est transformé en une guerre complexe, impliquant de multiples belligérants qui s'affrontent sur plusieurs fronts, avec parfois l'intervention directe de puissances étrangères.

Dans le nord-ouest du pays, l'armée turque a lancé le 20 janvier une offensive pour chasser de sa frontière la milice kurde des Unités de protection du Peuple (YPG), prenant le contrôle total de l'enclave d'Afrine.

Plus de 250 000 civils ont fui l'avancée des forces turques, selon l'OSDH.