Des milliers de civils fuient samedi pour échapper à la mort en Syrie où la guerre fait rage sur deux fronts, à Afrine, enclave kurde dans le nord-ouest, et dans la Ghouta orientale, dernier fief rebelle aux portes de Damas.

Le régime syrien de Bachar al-Assad, soutenu par son allié russe, poursuit sans relâche ses bombardements sur les zones insurgées dans la Ghouta qu'il veut reprendre. Samedi au moins 36 civils, dont quatre enfants, ont été tués par des raids aériens sur le fief rebelle, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Pour échapper aux pénuries, aux bombes et à la mort, près de 10 000 personnes ont fui samedi matin l'enclave, portant le total des personnes forcées à l'exode à 40 000 depuis jeudi, d'après l'OSDH.

Ils n'ont pas d'autre choix que de fuir vers les zones contrôlées par le régime, malgré leur crainte de représailles.

Sur un autre front de la guerre complexe qui ravage la Syrie depuis 2011, un exode de civils est aussi en cours dans le nord-ouest du pays.

Depuis mercredi soir, plus de 200 000 personnes ont dû quitter la ville d'Afrine, quasi encerclée par des forces turques et des rebelles syriens qui mènent depuis le 20 janvier une offensive contre une milice kurde syrienne.

Cette situation illustre la complexité actuelle de la guerre syrienne, déclenchée en 2011 par la répression par le régime de manifestations prodémocratie mais qui implique aujourd'hui des puissances étrangères.

Ce conflit a fait plus de 350 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.

Grâce au soutien militaire de la Russie, le pouvoir d'Assad a repris la main face aux rebelles et aux groupes djihadistes.

À la faveur d'une offensive d'une rare violence lancée le 18 février, il a reconquis 70 % de l'enclave rebelle dans la Ghouta, qu'il assiège depuis 2013.

Baluchons

La télévision d'État syrienne a filmé samedi le flot de civils qui continuent d'arriver en zone gouvernementale en provenance des secteurs rebelles de la Ghouta.

De vieilles femmes toutes de noir vêtues, de jeunes filles transportant des couvertures dans leur bras avancent sur une route poussiéreuse, exténuées.

Les civils ont emporté leurs maigres possessions après des années de bombardements et de destructions : des hommes avancent avec des baluchons sur les épaules, un père guide un vélo sur lequel est juché un petit garçon et un sac de jute volumineux.

Des centres d'accueil improvisés ont été hâtivement préparés à la périphérie de Damas pour accueillir ces déplacés, notamment dans la localité d'Adra, au nord de la Ghouta.

« On n'a pas d'endroit où dormir, on n'a pas de couvertures, une seule a été distribuée, les femmes et les enfants sont installés à même le sol », déplore Abou Khaled, 35 ans, qui a trouvé refuge dans une école transformée en abri temporaire.

Au total, au moins 1400 civils dont 274 enfants, ont péri depuis le 18 février dans l'offensive du régime contre l'enclave rebelle dans la Ghouta.

Un correspondant de l'AFP, présent dans la localité d'Arbine, encore tenue par les rebelles, a confirmé des bombardements intenses aux alentours.

Alors que le régime poursuit sa progression, les groupes rebelles islamistes Jaïch al-Islam, Faylaq al-Rahmane et Ahrar al-Cham se sont dits prêts à engager « des négociations directes » avec la Russie, sous l'égide de l'ONU, pour obtenir une trêve.

« Situation terrifiante »

À Afrine, où les forces proturques encerclent quasiment la ville, un seul couloir permet aux habitants de fuir par le sud, vers des territoires contrôlés par les Kurdes ou par le régime.

« La situation est terrifiante », affirme à l'AFP le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane. « Les civils continuent de fuir », poursuit-il.

« Il y a des combats violents à la périphérie nord et ouest de la ville d'Afrine, les forces turques et leurs supplétifs syriens essayant de pénétrer dans la cité », a-t-il ajouté.

L'objectif affiché de l'offensive turque est de chasser de la région d'Afrine la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) - considéré comme un groupe « terroriste » par Ankara. Les YPG sont un allié clé de Washington contre le groupe État islamique (EI).

Samedi matin, 11 civils ont été tués dans un raid aérien turc alors qu'ils tentaient de fuir la ville, a rapporté l'OSDH.

La veille, 16 civils, dont deux femmes enceintes, avaient été tués dans une frappe turque qui a touché le principal hôpital de la ville d'Afrine, selon l'OSDH. L'armée turque a démenti.

Le raid turc a causé « d'importantes destructions » dans l'hôpital, le plus grand dans la région et désormais « hors service », selon son directeur Jiwan Mohammad, cité par l'agence officielle syrienne Sana.