L'armée turque a resserré son étau mercredi sur la ville syrienne d'Afrine, dans le cadre de l'offensive lancée le 20 janvier pour chasser une force kurde syrienne de cette région frontalière de la Turquie.

Face au spectre d'un siège ou d'un assaut sur cette cité de quelque 350 000 habitants, de nombreux civils tentent de fuir la ville - qui manque d'eau et d'électricité - ou cherchent de la nourriture et des médicaments, faisant craindre un nouveau drame humanitaire en Syrie.

La population paie le plus lourd tribut dans la guerre qui ensanglante depuis sept ans un pays en ruines et morcelé.

Ainsi, dans l'enclave rebelle de la Ghouta orientale, dernier bastion insurgé aux portes de Damas, la population est de plus en plus étouffée par l'offensive du régime syrien qui se poursuit sans relâche depuis la mi-février avec des bombardements intensifs.

Mercredi, des dizaines de civils ont été évacués de l'enclave assiégée, au lendemain de l'évacuation de quelque 150 personnes. L'ONU avait auparavant assuré qu'un millier de personnes devaient sortir d'urgence de l'enclave «pour des raisons médicales».

Dans le nord-ouest de la Syrie, l'armée turque et des supplétifs syriens ont quasiment encerclé la ville d'Afrine, principale cible de leur offensive sur le bastion des Unités de protection du peuple (YPG), considérées comme un groupe «terroriste» par Ankara mais alliées aux Occidentaux dans la lutte antijihadiste.

«Afrine sera complètement tombée d'ici ce soir», a assuré mercredi matin le président turc Recep Tayyip Erdogan avant que la présidence tempère ses propos, assurant qu'il espérait en fait que «l'encerclement» de la ville soit «totalement achevé d'ici ce [mercredi] soir».

«Rêve éveillé»

«Il semble que le président [...] Erdogan rêve éveillé en parlant d'une chute d'Afrine» ce mercredi, a affirmé Redur Khalil, un porte-parole des YPG.

Pourtant, l'étau s'est bien resserré sur la ville, que de nombreux civils sont en train de fuir, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), et les forces de l'offensive turque ont déjà capturé plus de 70% de l'enclave kurde.

L'unique voie de sortie d'Afrine étant désormais visée par des bombardements, qui ont tué mercredi 10 combattants prorégime, de nombreux civils décident de se faire aider par des passeurs contre de grosses sommes d'argent pour fuir la ville, selon l'OSDH.

Des raids aériens sur la ville d'Afrine ont par ailleurs fait 10 morts dont quatre enfants et 34 blessés selon l'OSDH, qui fait état de moyens très réduits dans l'hôpital de la ville.

Le conseiller média des YPG Rezan Hedo a dit craindre un «massacre» si les forces de l'offensive turque lancent l'assaut sur la ville.

Selon un correspondant de l'AFP, des dizaines d'habitants d'Afrine faisaient la queue mercredi devant une boulangerie qui distribuait son stock à l'appel de l'administration locale. Quelques magasins étaient ouverts et liquidaient leurs dernières marchandises.

Déclenché le 15 mars 2011 avec la répression par le régime de manifestations prodémocratie, le conflit en Syrie entre jeudi dans sa huitième année. Il a fait plus de 350 000 morts et s'est complexifié au fil des ans avec l'implication de puissances étrangères.

Evacuations médicales

Le régime est déjà parvenu à reprendre plus de la moitié du pays et poursuit sa reconquête, notamment dans la Ghouta.

Frappes aériennes et tirs d'artillerie, qui visent au quotidien l'enclave, ont tué plus de 1220 civils, dont près de 250 enfants, et fait plus de 4600 blessés, selon l'OSDH.

Mercredi, au moins 31 civils ont encore été tués dans les bombardements qui ont visé notamment Hammouriyé, selon l'Observatoire.

Le groupe rebelle Faylaq al-Rahmane, qui contrôle la partie sud de l'enclave, a perdu deux commandants et dix combattants dans les bombardements mercredi, a indiqué l'OSDH, selon qui «le régime tente de mettre la pression sur Faylaq al-Rahmane pour le pousser à accepter un règlement» qui mettrait fin à son offensive.

Aucune évacuation n'a eu lieu du secteur sud de l'enclave soumis à de violents bombardements. Mais dans le nord, des évacuations médicales ont eu lieu à Douma pour la deuxième journée consécutive, à la faveur d'un accord entre le groupe rebelle Jaïch al-Islam et la Russie via l'ONU.

Selon Jaïch al-Islam, 35 patients ont été évacués avec des accompagnateurs.

«Au cours des derniers jours, la situation dans la Ghouta, en particulier à Douma, s'est considérablement stabilisée», a affirmé l'armée russe, ajoutant que les tirs «ont complètement cessé».

Selon l'OSDH, plus de 220 personnes ont été évacuées mardi et mercredi dont 60 cas nécessitant des soins médicaux.

Selon un médecin de Douma, «certains patients n'avaient plus reçu de soins dans la Ghouta depuis plus d'un an». Comme Omrane, 18 ans, blessé il y a deux ans par des bombardements. Il a perdu un oeil et a été amputé d'un bras et d'une jambe.

Parmi elles Saria. Elle accompagne sa «fille qui a eu les deux jambes fracturées» et sa «petite-fille qui a été amputée d'une jambe».

Le Comité international de la Croix-Rouge a appelé à ce que les évacuations soient effectuées «de manière humaine» et que les civils puissent avoir la liberté de mouvement en toute sécurité.