Les principales factions de l'opposition syrienne ont entamé des négociations mercredi à Riyad pour tenter d'unifier leurs positions sur fond d'initiatives pour mettre fin au conflit meurtrier qui ravage la Syrie depuis 2011.

Cette réunion a coïncidé avec un sommet Russie-Iran-Turquie à Sotchi, station balnéaire de la mer Noire. À l'issue de leur rencontre, les trois présidents se sont dits d'accord pour la tenue prochaine d'un « congrès » réunissant en Russie régime et opposition, selon le président russe Vladimir Poutine, qui estime que ce sera « un stimulant » pour le processus de Genève.

Cette proposition n'a suscité pour le moment aucune réaction parmi les quelque 140 opposants réunis à Riyad à l'invitation du ministère saoudien des Affaires étrangères.

« Nous sommes aux côtés du peuple syrien (...) pour parvenir à une solution juste », a déclaré à l'ouverture le chef de la diplomatie saoudienne Adel Al-Jubeir, dont le pays a soutenu des rebelles syriens ces dernières années.

L'objectif est de mettre sur pied une délégation unifiée pour représenter l'opposition aux pourparlers qui doivent s'ouvrir le 28 novembre à Genève sous l'égide de l'ONU. L'émissaire des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, était présent mercredi à la réunion.

Interrogé par des journalistes, M. de Mistura a jugé que cette conférence était « cruciale » pour relancer les pourparlers de Genève et annoncé qu'il irait jeudi en Russie, grand allié du régime de Bachar al-Assad. « Je suis toujours optimiste, en particulier en ce moment ».

Sommet en Russie

La Russie et l'Iran, alliés du régime de Damas, et la Turquie, soutien des rebelles, sont les parrains du processus d'Astana, la capitale kazakhe, qui a permis la mise en place de quatre « zones de désescalade » en Syrie, qui s'est accompagnée d'une relative baisse des violences sur le terrain.

La guerre, qui a fait plus de 330 000 morts, connaît en outre un tournant avec des défaites à répétition du groupe djihadiste État islamique (EI).

À ce jour, toutes les initiatives de paix ont échoué, avec comme principale pierre d'achoppement le sort réservé au président Bachar Al-Assad, dont le départ immédiat est réclamé par de nombreux opposants.

Mais à l'heure où le régime multiplie les victoires militaires, renforçant sa stature internationale face à des rebelles affaiblis, l'opposition fragmentée n'a d'autre choix que d'unifier ses rangs, estiment des experts.

Des groupes rebelles syriens ont été soutenus par l'Arabie saoudite et le Qatar, mais il y a aussi la Coalition nationale, principale composante de l'opposition en exil basée à Istanbul, et des factions installées à Moscou ou au Caire qui sont considérées comme plus conciliantes vis-à-vis de Damas.

Les participants à Ryad « vont former une seule délégation pour les négociations » de Genève, a déclaré à l'AFP Hadi al-Bahra, un responsable de la Coalition nationale.

Opposants « écartés »

Pour des membres de l'opposition et des experts, ce remaniement pourrait donner naissance à une délégation qui accepterait de revoir à la baisse ses exigences, notamment le départ immédiat de M. Assad.

Signe de possibles tensions, plusieurs figures du Haut comité des négociations (HCN), qui représentait jusqu'alors l'opposition à Genève, ont rendu publique leur démission, deux jours avant la conférence.

C'est le cas notamment du coordinateur du HCN, Riad Hijab, qui, sans expliquer son geste, a indiqué qu'il avait toujours résisté aux « tentatives cherchant à revoir à la baisse (les exigences) de la révolution et à prolonger le régime ».

« Plusieurs personnalités qui refusent catégoriquement de voir Assad dans le futur de la Syrie ont été écartées », assure, sous le couvert de l'anonymat, un haut responsable du HCN. Et de parler de « pressions exercées sur l'Arabie saoudite par la Russie », pays qui a accueilli favorablement ces démissions.

Des dizaines de responsables de l'opposition ont par ailleurs signé une lettre ouverte aux participants de Ryad, leur rappelant certains « principes de base », notamment « le départ d'Assad et de son gang ».

Le chef d'une faction basée à Moscou, Qadri Jamil, a annoncé mercredi qu'il ne participerait pas aux discussions, citant l'incapacité de l'opposition à s'accorder sur « des bases et des principes » à Ryad.

La Coalition nationale a lié le retrait de M. Jamil à « un désaccord sur un article concernant le départ de Bachar Al-Assad et le début de la phase transitoire » en Syrie.

Pour Randa Slim, experte au Middle East Institute, la conférence de Ryad va surtout permettre d'unifier les points de vue concernant des questions comme la constitution et les élections législatives. Elle estime qu'il « n'y aura plus aucune discussion sur la transition politique ou Assad ».

Mais pour Hicham Marwa, un membre de la Coalition nationale, cette dernière, « la principale formation invitée à Ryad », et ses positions vis-à-vis d'Assad « n'ont pas changées ».

« Ceux qui parient sur la conférence de Ryad pour légitimer la présence d'Assad se font des illusions ».