Damas et ses alliés russe et iranien ont vivement condamné vendredi les frappes américaines contre une base de l'armée en Syrie, la première action militaire de Washington contre le régime de Bachar al-Assad en six ans de guerre.

Les frappes interviennent trois jours après une attaque chimique présumée contre une ville rebelle du nord-ouest du pays qui avait choqué le monde, et pour laquelle le pouvoir syrien a été pointé du doigt.

À la demande de la Russie, le Conseil de sécurité des Nations unies doit se réunir d'urgence à 11 h 30 pour débattre de la frappe punitive.

La présidence syrienne a qualifié l'attaque d'« acte idiot et irresponsable » de la part de Washington.

Les frappes ont été ordonnées jeudi soir par le président américain Donald Trump, qui s'était pourtant toujours prononcé contre toute intervention directe en Syrie.

Vers 3 h 40 locales vendredi (20 h 40, HE), 59 missiles de croisière Tomahawk ont été tirés par deux navires américains en Méditerranée vers la base aérienne syrienne d'Al-Chaayrate.

Quelques heures plus tard, l'armée syrienne a fait état de « six morts, des blessés et d'importants dégâts matériels ».

L'agence de presse officielle Sana a annoncé ensuite la mort de neuf civils, dont des enfants, dans des villages environnants.

L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a pour sa part indiqué que sept soldats avaient été tués et que l'aéroport militaire avait été « presque totalement détruit: les avions, le tarmac, le dépôt de mazout et le bâtiment de la défense aérienne ont été pulvérisés ».

« Pas suffisant »

Dans une adresse solennelle à la télévision, Donald Trump a expliqué que ces frappes étaient « directement liées » aux évènements « horribles » de mardi.

Ce jour-là, un raid imputé à l'armée syrienne contre la localité rebelle de Khan Cheikhoun a fait au moins 86 morts, dont 27 enfants. Les images de victimes agonisantes ont choqué le monde.

Les services de renseignement américains ont établi que les avions ayant mené l'attaque étaient partis de la base d'al-Chaayrate, connue comme un lieu de stockage d'armes chimiques avant 2013, selon le Pentagone.

En difficulté depuis des mois face au régime, la coalition de l'opposition politique syrienne a applaudi l'opération américaine. Mais « frapper un seul aéroport n'est pas suffisant [...] Le monde entier doit aider à sauver le peuple syrien des griffes de l'assassin Bachar (al-Assad) et de ses acolytes », a déclaré Mohammad Allouche, membre du Haut comité des négociations (HCN).

Le président russe Vladimir Poutine a lui estimé qu'il s'agissait d'une « agression contre un État souverain ». Cette action « cause un préjudice considérable aux relations russo-américaines », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

L'autre allié de Damas, l'Iran, a accusé les États-Unis d'utiliser de « fausses allégations » pour attaquer la Syrie.

Accusant Moscou d'avoir manqué à ses responsabilités, le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a plaidé jeudi pour le départ du président Assad, alors que, il y a une semaine, il avait semblé s'accommoder de son maintien au pouvoir.

Les responsables américains n'ont pas donné d'indications les actions qu'ils comptent entreprendre par la suite.

« La neutralisation de cette base ne va pas bouleverser l'équilibre des forces dans le conflit. Le régime garde l'avantage mais il n'a pas les moyens humains pour avancer sur plusieurs fronts à la fois », estime Tim Eaton, du centre de réflexion Chatham House à Londres.

Et après ?

Les forces du régime cherchent à reprendre les derniers bastions des rebelles, notamment dans la province d'Idleb (nord-ouest), et des différents groupes djihadistes dont l'EI.

La décision de M. Trump a été plutôt bien accueillie par les autres pays impliqués dans la crise syrienne, comme la Turquie et les États européens.

Le président français François Hollande a annoncé que Paris allait « être à l'initiative » pour « relancer le processus de transition politique en Syrie » dans « le cadre des Nations unies si c'est possible ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué les frappes tout en les jugeant insuffisantes et en appelant à des mesures supplémentaires.

Jusqu'à présent, aucune initiative diplomatique n'a réussi à faire durablement taire les armes dans un pays où plus de 320 000 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre en mars 2011 tandis que des millions d'autres étaient jetées sur les routes.

Le groupe de travail de l'ONU sur le cessez-le-feu devait se réunir d'urgence vendredi à la demande de la Russie, qui avait parrainé fin décembre avec la Turquie une trêve en Syrie.

À l'été 2013, Barack Obama, avait déçu les pays arabes soutenant l'opposition syrienne en renonçant à frapper le régime après une attaque aux armes chimiques près de Damas qui avait fait plus de 1400 morts.

À l'époque, le magnat de l'immobilier Donald Trump avait exhorté M. Obama à ne pas intervenir en Syrie.

Washington est cette fois passé à l'acte après avoir établi que Damas avait utilisé à Khan Cheikhoun « un agent neurotoxique qui a les caractéristiques du sarin », selon un haut responsable de la Maison-Blanche.

Trois jours après l'attaque, certains survivants affichaient une certaine reconnaissance envers les États-Unis, mais attendaient davantage.

« On ne veut pas une seule frappe pour qu'après les crimes se poursuivent », a affirmé à l'AFP Abou Chahid, 30 ans.

« Il faut punir le criminel et pas l'instrument du crime », a indiqué pour sa part Abou Mouhib, un déserteur de l'armée de 37 ans en faisant référence au président Assad.