Les États-Unis ont prévenu le Canada une heure avant le début de leur offensive militaire contre une base aérienne en Syrie, a indiqué vendredi le premier ministre Justin Trudeau à la Chambre des communes.

M. Trudeau s'est aussi entretenu ce matin avec le président des États-Unis Donald Trump au sujet du conflit syrien. Durant cet entretien, le premier ministre a indiqué que le Canada appuie pleinement cette « intervention limitée et ciblée » des États-Unis afin de dissuader le régime de Bachar Al-Assad de mener d'autres attaques chimiques contre des civils innocents.

M. Trudeau a aussi affirmé au président américain l'importance de trouver une solution diplomatique au conflit syrien, a indiqué le premier ministre en réponse aux questions du Parti conservateur et du NPD.

« Nous avons été informés environ une heure avant le début des frappes militaires par les États-Unis contre la Syrie. Nous croyons certainement que le régime Assad doit être tenu responsable pour ses actions contre les civils, en particulier l'utilisation d'armes chimiques. Détruire la capacité du régime de mener d'autres attaques de ce genre est dans l'intérêt de toute la communauté internationale », a affirmé M. Trudeau aux Communes.

« Dans ma conversation avec le président américain, on a parlé de l'efficacité des attaques limitées et précises sur la capacité du régime Assad de mener de nouvelles attaques chimiques contre les innocents et civils. Et en même temps, on a réitéré l'importance de trouver des solutions diplomatiques pour la situation en Syrie. Nous croyons que la solution à long terme en Syrie se doit de passer par la diplomatie », a ajouté le premier ministre.

Dans une déclaration écrite émise plus tôt ce matin, environ 12 heures après les frappes américaines, M. Trudeau a officiellement donné son appui à l'intervention des États-Unis.

« Le Canada appuie pleinement l'intervention limitée et ciblée que les États-Unis ont menée pour affaiblir la capacité du régime Assad de perpétrer des attaques aux armes chimiques contre des civils innocents, dont de nombreux enfants. Le recours aux armes chimiques par le président Assad et les crimes que le régime syrien a commis contre sa propre population ne peuvent pas passer sous silence. Nous ne pouvons pas permettre que ces horribles attaques puissent continuer de se produire en toute impunité », a affirmé M. Trudeau.

« Les attaques de cette semaine dans le sud d'Idlib et la souffrance des Syriens constituent un crime de guerre et sont inacceptables. Le Canada condamne toute utilisation d'armes chimiques. Le Canada continuera de soutenir les efforts diplomatiques en vue de résoudre la crise en Syrie », a ajouté le premier ministre.

Le Parti conservateur a pour sa part déclaré qu'il soutient « pleinement les efforts déployés par les États-Unis pour empêcher les forces militaires de la Syrie de lancer d'autres attaques aux armes chimiques. »

« La communauté mondiale ne peut pas rester sans rien faire alors que des neurotoxines mortelles sont lâchées sur d'innocents civils », a soutenu la leader intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, dans un communiqué de presse.

« Jusqu'à présent, le premier ministre Trudeau a pris très peu de mesures concrètes pour tenir le gouvernement syrien, soutenu par la Russie, responsable de ses actes. La politique étrangère du Canada doit toujours reposer sur les principes de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit. Nous devons absolument tenir Bachar al-Assad responsable de ses crimes contre l'humanité et soutenir nos alliés à cette fin », a-t-elle ajouté.

Mme Ambrose a aussi critiqué l'impuissance de l'ONU dans le conflit syrien. « Contrairement à ce que croit le premier ministre, le Conseil de sécurité des Nations Unies s'est montré totalement inefficace pour régler le conflit syrien. En fait, le premier ministre et le gouvernement du Canada semblent avoir été tenus à l'écart de cette action par les États-Unis.

La chef du Bloc québécois et députée indépendante à l'Assemblée nationale, Martine Ouellet, fait bande à part.

Elle s'est déplacée à Ottawa dans le seul but de réagir aux frappes américaines qu'elle juge prématurées tant que l'ONU n'aura pas enquêté sur l'origine de l'attaque chimique de mardi en Syrie.

«Je pense qu'il faut faire attention, a-t-elle dit. Il faut avoir toutes les informations pour ne pas poser des actions qui conduiraient à une escalade de la violence basée sur des faits erronés ou ce qu'on appelle aujourd'hui des »alternative facts«.»

Elle cite une autre attaque chimique perpétrée en 2013 par les rebelles djihadistes qui avait d'abord été attribuée au régime de Bachar el-Assad.

Le premier ministre Trudeau s'est aussi entretenu avec la chancelière allemande Angela Merkel vendredi après-midi. Les deux leaders ont convenu de «tenir responsables les utilisateurs d'armes chimiques» et se sont engagés à trouver une «solution politique durable» à la crise en Syrie par la diplomatie.

M. Trudeau, qui s'est fait l'apôtre du multilatéralisme depuis son arrivée au pouvoir en 2015, était de passage au siège des Nations unies hier à New York afin de rencontrer le nouveau secrétaire général Antonio Guterres, en poste depuis le 1er janvier. Cette rencontre a eu lieu quelques heures avant le début de l'offensive militaire des États-Unis en Syrie.

Le gouvernement Couillard appuie aussi les frappes

Le gouvernement Couillard cautionne les frappes américaines en Syrie.

«Je trouve que l'intervention américaine était justifiée et ciblée. On a affaire à une attaque barbare envers des enfants à l'arme chimique. La réponse a été proportionnelle à l'enjeu, ciblée», a commenté le premier ministre Philippe Couillard, qui se trouvait à Montréal, vendredi, où il prononçait une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«À plus long terme, la solution à ce problème immense est une solution qui va être politique et diplomatique et multilatérale. Mais l'humanité, la civilisation, ne peut pas laisser passer des gestes comme ceux-là», a opiné le premier ministre du Québec.

À son tour, la ministre des Relations internationales, Christine St-Pierre, a fait savoir qu'elle endossait l'appui exprimé par le gouvernement canadien à son allié américain.

Dans une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, elle a affirmé que les images de l'attaque à l'arme chimique du régime de Bachar el-Assad contre une ville rebelle «ont choqué l'ensemble du monde».

«Les Américains ont décidé de porter ce coup sur une base militaire de Bachar el-Assad et le Canada a manifesté son appui, et nous appuyons le fait que le Canada a manifesté son appui», a formulé Mme St-Pierre.

Le Québec joint ainsi sa voix à la communauté internationale qui s'est exprimée massivement en faveur des représailles des États-Unis.

Le chef de l'opposition officielle, Jean-François Lisée, a également pris position en matinée vendredi. Par voie de communiqué, il a rappelé que son parti déplore et condamne depuis plusieurs années la «barbarie» du régime syrien, mais en même temps, il a souligné l'importance d'une concertation internationale.

«L'utilisation d'armes chimiques, qui plus est contre des civils, est un des pires crimes de guerre qu'on puisse commettre, peut-on lire. Le Québec doit soutenir toute tentative de résolution du conflit syrien, et cela passe nécessairement par une action concertée de la communauté internationale et des Nations unies.»

Enfin, le chef péquiste a exprimé son appui clair aux «initiatives visant l'anéantissement de Daesh et le départ de Bachar el-Assad».

Québec solidaire s'est toutefois inscrit en faux dans le paysage politique québécois. Le député de Mercier, Amir Khadir, a dénoncé les représailles américaines avec vigueur et s'est inquiété de l'intensification de l'intervention militaire étrangère.

«Bachar el-Assad dirige un régime meurtrier et est prêt à tout pour garder le contrôle sur la Syrie, a-t-il écrit. Cependant, une solution militaire en provenance des États-Unis ne saurait constituer une réponse à l'effroyable tragédie qui affecte le peuple syrien.»

Il a ajouté que le président Donald Trump s'est montré «méprisant et insensible» face à la détresse du peuple syrien et selon lui, il n'a «ni la crédibilité ni l'appui de la communauté internationale pour faire cavalier seul».

- Avec La Presse Canadienne