Le régime syrien a suspendu vendredi l'évacuation de civils et d'insurgés de la ville ravagée d'Alep, faisant craindre une reprise des combats pour la conquête de la dernière poche rebelle où des milliers d'habitants restent pris au piège.

« Alep est désormais synonyme d'enfer », a lancé le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon en demandant, comme le président turc Recep Tayyip Erdogan, la reprise des évacuations.

Lancée jeudi, l'opération devait durer plusieurs jours et, une fois terminée, permettre au régime de proclamer la reprise totale de la deuxième ville de Syrie, enregistrant ainsi sa plus importante victoire dans la guerre sanglante qui dure depuis 2011.

Mais le processus a connu un accroc. L'armée syrienne a accusé les rebelles de « ne pas respecter les conditions de l'accord », une source militaire affirmant que les insurgés « ont ouvert le feu, voulu sortir des armes moyennes et prendre des otages », c'est-à-dire des militaires ou des forces prorégime qu'ils détenaient.

Les ambulances et les bus censés évacuer d'autres personnes du réduit rebelle ont dû rebrousser chemin, vides.

La représentante de l'Organisation mondiale de la Santé en Syrie (OMS), Elisabeth Hoff, a fait part de son inquiétude.

« Il y a encore un grand nombre de femmes et d'enfants de moins de cinq ans qui doivent sortir. (...) Nous savons qu'ils sont désespérés ».

Avançant une autre raison pour la suspension de l'opération, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, a argué du blocage par des rebelles de l'évacuation des blessés des villages chiites prorégime de Foua et Kafraya dans la province voisine d'Idlib (nord-ouest), assiégés par les insurgés.

Le départ de ces blessés était l'une des conditions à l'accord du régime pour permettre les évacuations à Alep.

Dans la deuxième ville de Syrie, un convoi de plus de 800 personnes évacuées a d'ailleurs été forcé de retourner en zone rebelle par des miliciens chiites prorégime.

Désespoir et amertume

La Russie, alliée du régime, a été elle jusqu'à annoncer que l'évacuation des rebelles et de leurs familles était terminée, et que les troupes syriennes étaient en passe de liquider les « dernières poches de résistance » à Alep. Mais une source militaire syrienne a maintenu que l'opération était « suspendue et non finie ».

Il resterait environ 40 000 civils dans le réduit rebelle et entre 1500 et 5000 combattants et leurs familles, selon l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura.

Depuis jeudi, environ 8500 personnes, dont 3000 combattants, ont été évacuées vers des territoires sous contrôle rebelle, selon l'OSDH. Quelque 8000 selon les médias officiels syriens.

À Khan al-Assal, localité à l'ouest d'Alep où certains évacués ont été conduits, le désespoir et l'amertume emplissent le coeur de ceux qui ont dû quitter leur ville.

« C'était catastrophique. J'ai fait la prière du matin, c'était la dernière à Alep et j'ai pleuré. Je ne sais pas ce que je vais faire », s'emporte Mohammad, professeur d'université.

« On a quitté notre terre », lance Abou Ahmed Salah, encore en uniforme militaire. « Tout le monde nous a laissés tomber », lâche-t-il.

Khan al-Assal n'est qu'une escale et ces déplacés vont devoir chercher refuge chez des proches ou dans des centres d'accueil.

Selon Ahmad al-Dbis, chef d'une unité de médecins et de volontaires qui coordonnent l'évacuation, au moins 250 blessés sont également sortis de la ville.

Parmi eux, un vieil homme touché à la jambe et ses deux fils, l'un la jambe arrachée et l'autre qui a perdu un oeil, sont internés dans un hôpital de Bal al-Hawa, à quatre kilomètres de la frontière turque « C'est un baril explosif de Bachar (al-Assad) qui nous a fait ça », raconte le vieil homme en suppliant d'être soigné en Turquie.

Réunion à l'ONU

Après des années de bombardements et un siège de plus de quatre mois, une offensive particulièrement destructrice lancée mi-novembre a permis à l'armée syrienne et à des milices alliées de reprendre plus de 90 % des quartiers que les rebelles contrôlaient à Alep depuis 2012.

Les bombardements incessants du régime ont fait des centaines de morts et poussé plus de 100 000 habitants à fuir.

La province d'Idlib est la dernière grande place forte de la rébellion. Outre Idlib, celle-ci ne contrôle plus dans le pays que la majorité de la province méridionale de Deraa et des régions proches de Damas assiégées par le régime.

L'intervention militaire russe en 2015 a permis aux troupes du président Assad, alors en déroute, d'inverser la situation.

Fort de ces succès, le président russe Vladimir Poutine a dit mener des négociations avec les représentants de l'opposition armée, via la Turquie, ajoutant que « la prochaine étape (était) d'obtenir un accord sur un cessez-le-feu sur l'ensemble du territoire syrien ».

Vendredi, le Conseil de sécurité de l'ONU devait se réunir pour parler d'Alep. La France devait proposer une résolution prévoyant le déploiement d'observateurs internationaux pour superviser les évacuations et l'accès humanitaire. Un vote pourrait avoir lieu dès ce week-end, a indiqué l'ambassadrice américaine à l'ONU Samantha Power dont le pays soutient le texte.

Le conflit très complexe en Syrie, impliquant acteurs syriens, régionaux, et internationaux, a fait plus de 400 000 morts depuis près de six ans.

À Damas, une déflagration a secoué vendredi un commissariat quand l'engin explosif que portait une fillette de huit ans a été déclenché à distance, selon l'agence de presse officielle Sana. Trois policiers ont été blessés, selon le quotidien proche du pouvoir al-Watan.

Obama: le monde est «uni dans l'horreur devant l'assaut sauvage» sur Alep

Le président américain Barack Obama a relevé vendredi que le monde entier était «uni dans l'horreur devant l'assaut sauvage» mené sur la ville syrienne d'Alep par l'armée du président Bachar al-Assad, avec le soutien de la Russie.

«Au moment où nous parlons, le monde est uni dans l'horreur devant l'assaut sauvage mené par le régime syrien et ses alliés russes et iraniens sur la ville d'Alep», a déclaré M. Obama, lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche avant son départ à Hawaï pour passer les fêtes de fin d'année.

«Ce sang et ces atrocités sont sur leurs mains», a relevé le président américain, qui doit quitter ses fonctions le 20 janvier et céder les commandes des Etats-Unis au républicain Donald Trump.

«Des quartiers entiers ont été réduits en poussière. Nous continuons d'avoir des signalements concernant l'exécution de civils. Il y a toutes sortes d'infractions au droit international», a dénoncé M. Obama. «La responsabilité de ces brutalités se trouve à un seul endroit: avec le régime Assad et ses alliés, la Russie et l'Iran.»

Le président «Assad ne peut pas gagner sa légitimité à coup de massacres», a par ailleurs estimé M. Obama.

Il a demandé le déploiement d'«observateurs impartiaux» dans cette ville ravagée par de longs et intenses combats entre rebelles et forces du régime syrien, afin de superviser les efforts pour évacuer les civils encore piégés à Alep.

Il resterait environ 40.000 civils à Alep-Est, quartier rebelle, et entre 1.500 et 5.000 combattants et leurs familles, selon l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura.

Le régime syrien a suspendu vendredi l'évacuation des civils et des insurgés d'Alep. Lancée jeudi, l'opération devait durer plusieurs jours et, une fois terminée, permettre au régime de proclamer la reprise totale de la deuxième ville de Syrie, enregistrant ainsi sa plus importante victoire dans la guerre sanglante qui dure depuis 2011.