L'armée syrienne resserrait davantage l'étau samedi sur les rebelles assiégés à Alep avec des milliers de civils en pilonnant sans cesse leurs derniers quartiers, les États-Unis accusant le régime de Bachar al-Assad de «crimes contre l'humanité».

Face à la tragédie dans la deuxième ville du pays, les chefs de la diplomatie de dix pays occidentaux et arabes opposés au pouvoir syrien ont appelé à Paris à mettre fin à la souffrance des civils, mais le sentiment d'impuissance était manifeste.

Présente à Paris, l'opposition syrienne en exil, qui a considérablement perdu de son influence, s'est dite disponible à «reprendre les négociations sans conditions préalables», selon le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault. Mais sa légitimité n'a jamais été reconnue par le régime ou son allié russe.

D'un côté, M. Assad, appuyé militairement par la Russie, l'Iran et le Hezbollah libanais, enregistre des succès face aux rebelles. De l'autre, les Occidentaux, qui lui sont hostiles, cherchent à trouver une issue diplomatique à la guerre qui a fait depuis mars 2011 plus de 300 000 morts et jeté sur les routes plus de la moitié de la population.

Samedi à Alep, principal front du conflit, les troupes progouvernementales ont continué de pilonner par les airs et à l'artillerie lourde les derniers quartiers rebelles, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les bombardements sont violents et des colonnes de fumée s'élèvent dans le ciel de plusieurs secteurs, selon un correspondant de l'AFP dans la partie gouvernementale.

«Le pilonnage est d'une intensité inouïe», a dit à l'AFP Ibrahim Abou al-Leith, le porte-parole de l'organisation des secouristes des Casques Blancs à Alep, présent dans un quartier rebelle.

«Gens sous les décombres»

«Les rues sont pleines de gens sous les décombres. Ils meurent parce qu'on ne peut pas les sortir de là», a-t-il ajouté, alors qu'Alep-Est présente un spectacle de désolation avec la majeure partie de ses bâtiments détruits ou endommagés.

Le régime contrôle désormais 85% des quartiers que les insurgés tenaient avant le lancement le 15 novembre d'une offensive qui a causé la mort de 413 civils à Alep-Est et poussé quelque 80 000 à la fuite.

Acculés dans leur dernier carré, les rebelles ont tiré des roquettes sur les quartiers prorégime, tuant neuf civils, selon l'OSDH. Au moins 129 civils y ont péri depuis le début de l'opération.

Fort de ces succès, le régime Assad a ignoré les appels internationaux à la trêve et Moscou a affirmé que l'offensive d'Alep ne cesserait qu'après le départ de tous les rebelles.

Selon l'ONU, environ 100 000 civils sont assiégés dans les quartiers rebelles. Quelque 2000 d'entre eux ont fui samedi vers les régions prorégime, a indiqué l'OSDH.

«Le bombardement aveugle par le régime viole le droit international et dans beaucoup de cas (représente) des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre», a martelé à Paris le chef de la diplomatie américaine John Kerry après avoir qualifié le conflit de «pire catastrophe depuis la Seconde Guerre mondiale».

Il a même appelé à la «compassion» de Moscou et Damas pour mettre fin à la tragédie d'Alep.

La réunion de Paris a précédé une réunion «technique» américano-russe à Genève pour parler d'«un cessez-le-feu, d'une aide humanitaire et d'un départ de l'opposition (armée) et des civils d'Alep», selon le département d'État.

«La priorité: évacuer les civils»

Les experts russes et américains doivent chercher à assurer «la protection des personnes qui souhaitent quitter les quartiers est d'Alep», a lancé à Genève l'envoyé spécial de l'ONU en Syrie Staffan de Mistura.

«C'est la priorité, l'évacuation des civils», a-t-il insisté.

Pour les analystes, la perte par les rebelles de leur principal bastion en Syrie semble inéluctable et marquerait un tournant dans la guerre. C'est l'intervention militaire russe en septembre 2015 qui a permis au régime en mauvaise posture d'inverser la situation.

Déclenchée par la répression brutale de manifestations pacifiques prodémocratie, la guerre en Syrie est devenue très complexe avec la montée en puissance de groupes djihadistes comme l'organisation État islamique (EI), l'implication de forces régionales et de puissances internationales, sur un territoire très morcelé.

Samedi, le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter, dont le pays dirige une coalition internationale anti-EI, a annoncé l'envoi en Syrie de 200 soldats supplémentaires pour conseiller une coalition arabo-kurde qui cherche à chasser l'EI de Raqa (nord), sa capitale de facto.

Cette coalition, les Forces démocratiques syriennes (FDS), a annoncé sa décision de lancer la «seconde phase» de l'offensive, «dont l'objectif est de libérer les territoires à l'ouest de Raqa et isoler ainsi la ville». Les FDS sont soutenues par les frappes de la coalition internationale qui bombarde depuis 2014 l'EI.

Sur le front de la province centrale de Homs, l'EI, à la faveur d'une offensive contre les prorégime, est parvenu à la périphérie de la cité antique de Palmyre, selon l'OSDH.

PHOTO PATRICK KOVARIK, AFP

«Le bombardement aveugle par le régime viole le droit international et dans beaucoup de cas (représente) des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre», a martelé à Paris le chef de la diplomatie américaine John Kerry