Le président Bachar al-Assad a affirmé qu'une victoire à Alep serait une étape cruciale pour la fin de la guerre en Syrie, ignorant les appels à la trêve après la reprise par ses troupes de la Vieille ville et de la plupart des quartiers rebelles.

Assiégés et acculés dans les derniers secteurs sous leur contrôle dans la partie orientale d'Alep, la deuxième ville du pays, les rebelles syriens ont eux appelé mercredi à un cessez-le-feu immédiat de cinq jours et à l'évacuation des civils pris au piège du déluge de feu.

Un appel à la trêve a aussi été lancé par six capitales occidentales, dont Washington, Paris et Londres, qui ont dénoncé la «catastrophe humanitaire» à Alep-Est, ainsi que «les actions du régime syrien» et de son allié russe, accusés d'empêcher l'acheminement des aides.

Ce projet de cessez-le-feu a été discuté en soirée à Hambourg en Allemagne entre les chefs de la diplomatie américaine et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov, dont le pays soutient militairement le pouvoir syrien, mais sans réelle avancée.

«Nous avons évidemment parlé de la situation terriblement difficile à Alep et avons échangé quelques idées. Nous avons l'intention de reprendre contact (jeudi) matin pour voir où nous en sommes», a déclaré M. Kerry après une heure de tractations avec son homologue russe.

Les différents appels à la trêve ont peu de chances d'être entendus par le régime de M. Assad qui, fort de ses succès militaires, a exclu un cessez-le-feu dans la ville septentrionale, dans un entretien au journal syrien Al-Watan à paraître jeudi.

«Sur le terrain (à Alep), il n'y a pas de trêve» aujourd'hui, a-t-il dit. «C'est vrai qu'Alep sera une victoire pour nous mais soyons réalistes, cela ne signifie pas la fin de la guerre. Néanmoins ce sera une étape énorme vers la fin» du conflit.

Pour lui, une défaite des rebelles va «marquer un tournant dans la guerre», alors qu'Alep est le principal front du conflit qui a fait depuis mars 2011 plus de 300 000 morts et poussé à la fuite plus de la moitié de la population.

Cinq ans et demi après le début de la guerre, le régime est en bonne position pour enregister sa plus importante victoire, en reprenant la totalité d'Alep, son ex-capitale économique, à la faveur d'une offensive dévastatrice lancée le 15 novembre.

Appuyés par des combattants iraniens et du Hezbollah libanais, les soldats qui contrôlent les quartiers occidentaux d'Alep, ont réussi à reprendre plus de 80% des quartiers rebelles dans la partie Est, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). 

Conquête de la vieille ville 

Sous une couverture aérienne intense, des largages de barils d'explosifs et des tirs d'obus ininterrompus, ils n'ont cessé de gagner du terrain et acculé les rebelles dans les derniers secteurs sud.

Mercredi, les prorégime ont remporté une victoire symbolique en reprenant la Vieille ville, le coeur historique d'Alep, sans même combattre. Les rebelles s'en sont retirés «de peur d'être assiégés», selon l'OSDH.

L'armée et ses alliés occupent toute la partie à l'est de la célèbre citadelle, le monument emblématique d'Alep resté aux mains du régime.

Au pied de cet imposant édifice médiéval, s'étend la Vieille ville, qui était le coeur touristique d'Alep avec ses souks, hôtels et restaurants, désertés depuis le début de la guerre.

Les prorégime ont également repris de nouveaux quartiers proches de ce secteur.

Et selon un correspondant de l'AFP, les dernières zones encore aux mains des rebelles sont soumises à d'intenses bombardements.

Dans ces zones, «des dizaines de milliers d'enfants sont devenus des cibles faciles» et «le nombre de victimes monte en flèche», a affirmé mercredi Sonia Khush, directrice de Save the Children.

«Des sources à Alep-Est nous disent que des gens marchent dans les rues avec guerre plus que quelques habits sur le dos pour se protéger du froid», a-t-elle ajouté, dénonçant l'inaction de la communauté internationale face au risque «de voir encore plus d'enfants mourrir de faim ou être tués».

Totalement assiégés, les groupes rebelles ont réclamé que les civils «souhaitant quitter Alep-Est» puissent se rendre «dans le nord de la province d'Alep», où les insurgés contrôlent encore des secteurs, et souhaité des «négociations sur l'avenir de la ville».

Le patron de l'ONU Ban Ki-moon, jugeant «déchirante» la situation des civils à Alep, a lui aussi appelé à un cessez-le-feu.

L'intensité des combats a accéléré l'exode de la population: 80 000 personnes ont fui Alep-Est depuis le 15 novembre alors que 250 000 habitants y résidaient avant l'offensive, selon l'OSDH. 

Civils tués à Alep 

Les déplacés cherchent refuge dans les quartiers gouvernementaux de l'ouest d'Alep ou dans les zones contrôlées par les forces kurdes, a précisé l'ONG. D'autres habitants ont fui dans des quartiers encore aux mains des rebelles.

«Nous n'avons pas dormi», a raconté à l'AFP Oum Abdo, une femme de 30 ans qui a quitté le quartier de Bab al-Hadid avec son mari, ses cinq enfants et sa mère. «Les quatre derniers jours ont été très éprouvants».

Hassan Atlé, qui a quitté son quartier de Bayada, a vécu des moments difficiles depuis le début du siège d'Alep-Est en juillet. «C'était vraiment difficile de se procurer du lait ou des couches pour mon fils de 8 mois».

Mercredi, 19 personnes ont été tuées à Alep-Est et dans la vieille ville, selon l'OSDH.

12 personnes, dont sept enfants, ont péri par des tirs rebelles à Alep-Ouest et trois civils sont morts dans une attaque aux barils d'explosifs à Alep-Est.

Près de 400 civils ont été tués, dont au moins 45 enfants, à Alep-Est depuis le 15 novembre, selon les chiffres de l'OSDH. 92 civils, dont 34 enfants, l'ont été dans Alep-Ouest.

AFP

«L'urgence absolue est un cessez-le-feu immédiat pour permettre aux Nations unies de livrer de l'aide humanitaire aux populations de l'est d'Alep et de porter secours à ceux qui ont fui», soulignent, dans une déclaration commune, les dirigeants français, américain, allemand, canadien, italien et britannique.