La Turquie a pour la première fois mis en cause le régime du président Bachar al-Assad après la mort jeudi de trois soldats participant à l'opération menée par l'armée turque dans le nord de la Syrie.

L'opération turque, lancée en août, vise à repousser les jihadistes de l'organisation État islamique (EI) et les milices kurdes vers le sud.

Le gouvernement turc soutient activement l'opposition syrienne qui tente de renverser le président Assad, que le chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan qualifie régulièrement de «monstre aux mains recouvertes de sang».

Mais Ankara a quelque peu modéré sa rhétorique anti-Assad depuis le réchauffement de ses relations avec Moscou, un temps mises à mal par la destruction d'un bombardier russe par l'aviation turque il y a tout juste un an. Ankara a depuis intensifié sa lutte contre les jihadistes et les milices kurdes en Syrie.

«Trois frères d'armes héroïques sont tombés en martyrs et 10 (...) ont été blessés dans une attaque aérienne dont nous estimons qu'elle a été menée par les forces du régime syrien», a indiqué l'état-major turc dans un communiqué publié sur son site.

Cette attaque s'est produite à 3h30 locales (19h30 à Montréal), a précisé l'armée turque, ajoutant que les soldats blessés avaient été «promptement évacués de la zone pour être soignés».

L'armée n'a pas précisé dans quel secteur cette attaque a eu lieu mais les médias turcs ont affirmé qu'elle s'était produite dans la région de la ville syrienne d'al-Bab contrôlée par l'EI.

L'Observatoire syrien des droits l'Homme, une ONG qui dispose d'un réseau de sources sur le terrain, a pour sa part fait état d'un nombre indéterminé de soldats turcs tués dans une attaque de l'EI «mercredi après-midi» à l'est de la ville d'al-Bab.

Quinze soldats turcs ont été tués depuis le lancement dans le nord de la Syrie de l'opération, baptisée «Bouclier de l'Euphrate», selon un décompte de l'AFP.

«Processus extrêmement dangereux»

Le bombardement imputé au régime syrien illustre les risques de débordement liés à la participation -directe ou indirecte- de plusieurs puissances étrangères dans le conflit en Syrie, devenue le terrain d'une lutte d'influence entre plusieurs acteurs régionaux.

La nouvelle de la mort des soldats turcs a plongé Ankara en état d'alerte, selon les médias locaux. Le premier ministre Binali Yildirim s'est entretenu avec le ministre de la Défense et le chef d'état-major.

Le président Erdogan a prononcé jeudi un long discours, mais n'a pas évoqué les soldats tués en Syrie.

Les autorités turques ont imposé une interdiction de diffuser des images relatives à cet incident.

Le chef du principal parti d'opposition turc, Kemal Kiliçdaroglu, a exhorté le gouvernement turc à agir avec «bon sens», ajoutant que l'affaire risquait d'entraîner la Turquie «dans un processus extrêmement dangereux».

Autrefois prompts à dénoncer les bombardements contre les civils en Syrie, les dirigeants turcs ont protesté du bout des lèvres contre le pilonnage des quartiers rebelles d'Alep (nord) par l'armée syrienne, avec le soutien de Moscou.

Ankara a lancé, le 24 août, une intervention sans précédent dans le nord de la Syrie pour appuyer des rebelles syriens contre le groupe EI et les milices kurdes YPG.

Le président Erdogan a déclaré mardi que les rebelles syriens soutenus par Ankara étaient «aux portes d'Al-Bab», ville aux mains de l'EI. Une fois cette ville prise, «nous irons à Minbej», a-t-il ajouté, en référence à une ville tenue par les milices kurdes.

Les États-Unis appuient, au grand dam d'Ankara, ces milices kurdes qu'ils considèrent comme une force locale efficace pour combattre l'EI.

La Turquie a également menacé à plusieurs reprises d'intervenir dans le nord de l'Irak pour empêcher les rebelles séparatistes kurdes de Turquie (PKK) de prendre pied dans la région de Sinjar.

Le gouvernement irakien a lancé le mois dernier une offensive majeure pour chasser l'EI de Mossoul, son fief dans le nord de l'Irak, que des milices chiites ont isolé mercredi en coupant l'axe qui le reliait à Raqa, en Syrie.