Pain et médicaments se raréfient dans les quartiers rebelles de la métropole d'Alep sous le feu d'intenses bombardements du régime syrien et de la Russie, qui a dénoncé «la rhétorique inadmissible» des Occidentaux.

«Barbarie», «crimes de guerre»: les pays occidentaux ont nettement durci le ton envers le régime syrien et surtout la Russie, qu'ils accusent de directement organiser l'offensive majeure lancée sur la partie rebelle d'Alep, qui se traduit depuis jeudi soir par un déluge de feu quasi continu.

«Quelle que soit la manière dont vous l'appelez, ce qui se passe actuellement en Syrie est tragique, honteux, évitable», a déclaré lundi le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter. «Le seul moyen de mettre fin à la guerre civile en Syrie et de donner au peuple syrien le répit qu'il mérite dans cette sauvagerie est une solution politique», a-t-il affirmé.

«Nous avons supporté les bombardements ces dernières années (...) mais maintenant il n'y a ni pain, ni eau potable, rien dans les marchés. La situation empire de jour en jour», expliquait lundi Hassan Yassine, 40 ans, après une quatrième nuit consécutive de raids sur la partie est d'Alep, contrôlée par les rebelles depuis 2012.

Ce père de quatre enfants a dû quitter avec sa famille son appartement au 3e étage pour se réfugier dans un magasin au rez-de-chaussée afin de tenter d'échapper aux bombes.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), les bombardements ont tué lundi 12 civils, portant à 140 le nombre de morts, essentiellement des civils, depuis le début de l'offensive du régime pour reconquérir la totalité d'Alep.

D'après l'OSDH, le nombre de personnes tuées dans cette ville et la province éponyme depuis la reprise des bombardements il y a une semaine, quand une courte trêve d'initiative américano-russe a volé en éclats, se monte maintenant à 248.

«Immédiatement amputés»

Totalement assiégés, les 250 000 habitants des quartiers rebelles d'Alep ne reçoivent plus d'aide de l'extérieur depuis pratiquement deux mois et sont privés depuis samedi d'eau à cause des bombardements selon l'Unicef.

Les hôpitaux encore en état de fonctionner «font face à une très forte pression en raison du nombre élevé de blessés et du manque de sang disponible lié en partie à l'absence de chirurgiens spécialisés dans les transfusions», a dit lundi une source médicale à l'AFP.

«De ce fait, les blessés les plus sérieux sont immédiatement amputés», explique-t-elle.

«Les patients sont allongés sur le sol (...) et les équipes médicales épuisées travaillent à la limite de la résistance humaine», a pour sa part relaté le docteur Abou Rajab, de l'ONG Save the Chidren. Selon lui, près de la moitié des patients dans les hôpitaux sont des enfants.

Dans la rue, le coût des produits grimpe de jour en jour. Le correspondant de l'AFP a ainsi constaté que le prix d'une ration de sept miches de pain avait augmenté de 70% par rapport à la semaine dernière. Certains produits de base, comme le sucre, ne sont plus disponibles.

«Nous prenons désormais un repas par jour. Mes enfants et moi n'avons pas mangé à satiété depuis deux semaines», raconte Hassan Yassine.

Les associations caritatives ont en outre arrêté depuis vendredi les distributions de repas de peur des bombardements. L'un d'eux a frappé une file d'habitants attendant d'être servis, selon le correspondant de l'AFP.

Devant le Conseil de sécurité de l'ONU, l'ambassadrice américaine Samantha Power a affirmé dimanche que «ce que la Russie soutient et fait (à Alep), ce n'est pas de la lutte antiterrorisme, c'est de la barbarie».

«Des crimes de guerre sont commis» à Alep, a affirmé l'ambassadeur français François Delattre, accusant Damas et Moscou, alors que l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft a évoqué une saisine de la Cour pénale internationale, compétente pour ces crimes.

Situation «extraordinairement compliquée»

Ces accusations ont surgi en raison de l'utilisation présumée à Alep d'armes sophistiquées, normalement destinées à viser des cibles militaires, contre des zones densément peuplées, comme des bombes antibunker, incendiaires et à fragmentation.

La Russie a elle vivement dénoncé le «ton et la rhétorique inadmissibles» des Occidentaux.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a jugé la situation en Syrie «extraordinairement compliquée» et a regretté qu'il n'y ait «toujours pas eu de séparation entre la soi-disant opposition modérée et les terroristes» à Alep.

Ailleurs en Syrie, 131 rebelles et 119 membres de leurs familles ont été évacués lundi du dernier quartier rebelle de la ville de Homs (centre) et transférés vers une zone sous contrôle rebelle dans le nord de la province de Homs.

Il s'agit de la troisième évacuation du genre du quartier de Waer depuis la conclusion en décembre d'un accord prévoyant que ce secteur passe sous le contrôle de l'armée syrienne en échange de la levée d'un siège imposé depuis trois ans.

Quelque 600 000 personnes vivent assiégées à travers le pays, selon l'ONU.

Le conflit en Syrie a fait plus de 300.000 morts depuis 2011, selon l'OSDH, et engendré la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale.