Rebelles et régime ont dépêché lundi des milliers d'hommes en renfort dans Alep et ses environs, en préparation d'une bataille cruciale pour le contrôle de la deuxième ville de Syrie, dont l'issue constituerait un tournant dans la guerre.

Dimanche, « l'Armée de la conquête », qui regroupe les groupes rebelles islamistes dont le puissant Ahrar al-Cham et le Front Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra ayant renoncé à son rattachement à Al-Qaïda) a annoncé le début de la bataille pour s'emparer de la totalité d'Alep, après avoir porté un coup dur au régime dans cette ville du nord du pays.

Les insurgés ont brisé trois semaines de siège imposé par le régime à leurs quartiers dans l'est d'Alep, à la faveur d'une contre-offensive qui leur a permis à leur tour d'encercler partiellement les quartiers prorégime dans l'ouest de la cité divisée.

Cette victoire est l'une des rares remportées ces dernières années par les rebelles dans le conflit dévastateur qui a fait plus de 290 000 morts, poussé à la fuite plus de la moitié de la population et provoqué une grave crise humanitaire.

Selon le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, le régime comme les rebelles ont envoyé des renforts en hommes et en armes à Alep et ses environs.

« Environ 2000 combattants prorégime, des Syriens, des Iraniens, des Irakiens et des membres du Hezbollah libanais sont arrivés à Alep à travers la route du Castello, au nord de la ville » en provenance du centre du pays, a-t-il précisé.

Un haut responsable de la sécurité à Damas a confirmé l'arrivée de renforts.

« La guerre ne s'arrêtera pas »

Les rebelles ont eux reçu des renforts en hommes, dont des combattants Ouïghours (musulmans) chinois, venus de la province voisine d'Idleb et de la campagne d'Alep, selon l'OSDH.

Les avions syriens et russes ont continué entretemps de bombarder les quartiers rebelles et les positions des insurgés au sud d'Alep ainsi que dans la ville d'Idleb, bastion rebelle.

La bataille d'Alep revêt une grande importance pour les belligérants et leurs alliés à l'étranger. La Russie et l'Iran soutiennent le régime, alors que les Occidentaux, la Turquie et l'Arabie saoudite appuient les rebelles.

« Ce n'est pas une bataille décisive au sens où elle déterminera le vainqueur [du conflit]. Quelle que soit la partie qui l'emportera, la guerre ne s'arrêtera pas. C'est toutefois une manche importante dont l'issue orientera la trajectoire du conflit », estime Thomas Pierret, expert de la Syrie.

« Si les rebelles l'emportent, on ira vers une partition du pays, avec un régime arcbouté sur le Golan, Damas, Homs et la côte », explique-t-il. « Si les loyalistes gagnent, l'insurrection se repliera dans la province d'Idleb dominée par Ahrar al-Cham et Fateh al-Cham ».

L'ambassadrice américaine aux Nations unies, Samantha Power, a estimé pour sa part que « malgré le poids des forces du régime [...] avec les Russes, l'Iran et le Hezbollah d'un côté, aucun camp ne sera capable de remporter une victoire rapide et décisive dans la bataille pour Alep ».

Appel aux soldats à déserter

Galvanisé par la victoire inattendue des rebelles, le chef de la coalition de l'opposition politique en exil, Anas al-Abdé, a lui estimé que la prise d'Alep par les rebelles n'était « qu'une question de temps ».

« Nous voyons clairement que le régime n'est plus capable de résister », a-t-il dit dans un entretien avec l'AFP à Istanbul. Il avait appelé auparavant les soldats du régime à déserter.

Les rebelles ont pris samedi une grande partie du quartier gouvernemental de Ramoussa à la périphérie sud d'Alep, ce qui leur a permis de faire la jonction avec leurs quartiers dans l'est et de couper la principale voie de ravitaillement des quartiers prorégime.

Mais les forces prorégime ont trouvé une route alternative et ont réussi à faire passer à leurs quartiers d'Alep des camions d'aides via la route du Castello, reprise récemment aux rebelles.

Des dizaines de camions transportant de la nourriture et du carburant sont entrés avant l'aube dans les quartiers prorégime, après que de nombreux résidents s'étaient rués au marché pour acheter nourriture et eau de crainte d'un siège total.

La guerre en Syrie, déclenchée en mars 2011 après la répression de manifestations pacifiques prodémocratie, s'est complexifiée avec l'implication d'acteurs internationaux et des groupes djihadistes.

Dans le cadre de la lutte contre le groupe djihadiste État islamique (EI), le Pentagone a annoncé lundi que la coalition internationale menée par Washington avait détruit la veille 83 camions-citernes de l'EI transportant du pétrole dans l'est de la Syrie.

De son côté, Médecins sans frontières a indiqué que les frappes aériennes samedi sur Millis, dans la province d'Idleb (nord-ouest) contrôlée par les rebelles, avaient détruit un hôpital et tué 13 personnes dont cinq enfants.