La Russie, alliée du président syrien Bachar al-Assad, a annoncé jeudi des couloirs humanitaires pour permettre aux civils et combattants de sortir des secteurs rebelles de la métropole d'Alep, assiégés et bombardés sans relâche par le régime.

L'initiative russe, si elle se concrétise, pourrait ouvrir la voie à la reprise totale par le régime de cette deuxième ville de Syrie et porter ainsi un coup fatal à la rébellion qui lutte depuis cinq pour renverser M. Assad.

À coups de barils d'explosifs destructeurs et de raids aériens intensifs qui ont fait des centaines de morts et laissé en ruines les quartiers rebelles dans l'est d'Alep, les troupes d'Assad cherchent depuis des mois à reconquérir ce secteur où elles assiègent totalement quelque 250 000 personnes depuis le 17 juillet.

Parallèlement à l'initiative russe, M. Assad a décrété une amnistie pour tous les insurgés qui rendraient les armes dans les trois mois.

Moscou aide militairement depuis plus d'un an le régime syrien dans sa guerre contre les rebelles et les djihadistes. Son aviation a participé aux bombardements des secteurs rebelles d'Alep.

Constatant «une situation difficile», le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a annoncé une «opération humanitaire de grande ampleur» à Alep avec la création de trois couloirs pour «les civils pris en otage par les terroristes et pour les combattants souhaitant déposer les armes».

Un quatrième doit être ouvert, dans le nord, sur la route du Castello, afin de permettre «le passage en sécurité des combattants armés», a-t-il ajouté, précisant que l'opération devait commencer dès jeudi.

«Paroles en l'air»

Le correspondant de l'AFP qui s'est rendu dans l'après-midi près de l'un des couloirs concernés a toutefois constaté qu'il apparaissait encore fermé et qu'il n'y avait aucun mouvement.

Alors que les bombardements du régime se sont poursuivis sur les quartiers rebelles même après l'annonce russe, plusieurs habitants ont dit leurs craintes de se retrouver du côté des prorégime, en cas de sortie.

«Nous avons peur d'utiliser les passages car nous avons refusé de faire le service militaire. En plus, ces couloirs ce sont des paroles en l'air. C'est une excuse pour que le régime mette les gens en prison», a dit Hassan Ibrahim, 25 ans, père de famille, dans le quartier de Boustane al-Qasr.

Dans le quartier de Ferdous, Ahmad Aswad, un célibataire de 21 ans, a aussi peur. «Je ne sortirai pas. Mais si ces passages c'est du sérieux, et en cas de famine, je ferai sortir ma mère et mes petits frères et soeurs».

Les avions du régime ont largué dans la journée des tracts montrant un plan des corridors, ainsi que des dizaines de petits sacs en plastique contenant de la nourriture ainsi que des couches de bébé, des shampoings et des lingettes. De nombreux produits portaient des marques russes.

Rejetant l'initiative russe, l'opposition en exil a dénoncé des «crimes de guerre» à Alep et un «exode forcé» des habitants du secteur rebelle.

Pour le patron des opérations humanitaires de l'ONU Stephen O'Brien, la meilleure solution est de permettre un accès humanitaire libre et sûr aux civils à Alep. «Personne ne doit être forcé de fuir, par un itinéraire précis ou vers une certaine destination».

Un siège «désastreux»

Des organisations de défense des droits de l'Homme ont estimé que ces corridors n'étaient pas la solution. Amnistie internationale a indiqué que de nombreux civils «pourraient ne pas prendre au sérieux les promesses du gouvernement. Installer des corridors n'empêchera pas une catastrophe humanitaire».

Depuis le 7 juillet, aucune aide internationale n'est entrée dans les secteurs rebelles d'Alep après que les prorégime ont réussi à couper la route du Castello, leur dernier axe de ravitaillement.

Paris et Londres, soutiens de l'opposition au régime syrien, ont appelé à mettre fin au siège «désastreux» d'Alep.

Enjeu majeur du conflit, Alep est divisée depuis 2012 en quartiers tenus par le régime à l'ouest et secteurs contrôlés par les insurgés à l'est.

La tactique du siège a été utilisée par le régime pour soumettre la rébellion dans d'autres régions du pays.

Selon des analystes, la perte d'Alep pourrait signifier le début de la fin pour la rébellion et représenter un tournant dans la guerre qui a fait plus de 280 000 morts depuis mars 2011 et poussé plusieurs millions de personnes à la fuite.

S'ils perdent Alep, les rebelles n'auront plus comme véritable fief que la province de Damas, notamment la Ghouta orientale, et quelques régions du sud du pays morcelé. Les autres zones sont soit aux mains du régime soit contrôlées par les djihadistes.