Le secrétaire d'État américain John Kerry qui tente de sauver la trêve en Syrie a reconnu lundi à Genève que la situation devenait «hors de contrôle» même si les bombardements du régime ont baissé d'intensité sur la ville d'Alep.

La situation en Syrie est «à bien des égards hors de contrôle», a déclaré lundi devant la presse à Genève le secrétaire d'État américain John Kerry.

S'exprimant à l'issue d'une rencontre avec l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, M. Kerry a ajouté qu'il allait téléphoner dans la journée à son homologue russe Sergueï Lavrov pour faire pression pour un retour au cessez-le-feu.

Cependant, M. Kerry a averti qu'il ne voulait pas promettre de succès, décrivant un «conflit qui à bien des égards est hors de contrôle et qui perturbe profondément chacun dans le monde».

Tout en indiquant que le cessez-le-feu conclu sous la médiation de la Russie et des États-Unis en février dernier tenait dans certaines parties du pays, il a particulièrement dénoncé la situation à Alep.

À Alep, a-t-il déclaré, le régime syrien a délibérément bombardé trois cliniques et un grand hôpital, tuant des médecins et des patients.

«L'attaque sur cet hôpital est inimaginable» et «cela doit cesser», a-t-il affirmé.

Plus de 250 civils dont une cinquantaine d'enfants ont péri depuis la reprise le 22 avril des violences à Alep, la majorité dans des raids menés par l'aviation du régime, en violation de la trêve.

«Les deux parties, l'opposition et le régime, ont contribué à ce chaos, et nous allons travailler ces prochaines heures intensément pour essayer de restaurer la cessation des hostilités» et permettre ensuite de mieux la surveiller, a affirmé M. Kerry.

«À cet effet, a-t-il expliqué, la Russie et les États-Unis ont accepté qu'il y ait plus de personnel à Genève, travaillant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7» pour mieux surveiller la trêve.

«Nous allons essayer ces prochaines heures de voir s'il est possible de parvenir à un accord, non pas pour simplement remettre sur pied la cessation (des hostilités, NDLR), mais pour créer une voie à suivre pour que la cessation tienne non pas un jour de silence ou deux», mais plus, a détaillé M. Kerry, parlant de la création d'un «mécanisme» de suivi.

«Nous préparons un meilleur mécanisme, mais nous avons besoin de volonté politique», a déclaré de son côté M. de Mistura, sans plus de détail.

Le «miracle» de la trêve est «devenu très fragile», a-t-il souligné, appelant à réduire les violences et permettre ainsi la réouverture d'un nouveau de round de discussions à Genève.

Le 3e round de négociations qui avait commencé le 13 avril s'est achevé le 27 avril à Genève. Les principaux représentants de l'opposition ont quitté la table des négociations pour protester contre la dégradation de la situation humanitaire et les violations de la trêve.

Moscou et Washington doivent s'entendre



Moscou et Washington sont les initiateurs du processus de paix en Syrie, et M. de Mistura a indiqué que si les deux pays ne parviennent pas à s'entendre il n'est guère probable qu'il y ait des avancées.

Alliée du président syrien Bachar al-Assad, la Russie a fait état dimanche de pourparlers en cours pour parvenir à une suspension des combats à Alep. Les États-Unis avaient auparavant appelé à l'arrêt des bombardements du gouvernement sur la partie de la ville du nord de la Syrie tenue par les rebelles.

Après plusieurs raids et affrontements dans la nuit entre régime syrien et rebelles dans la deuxième ville de Syrie, aucun raid ou tir n'a été entendu depuis le matin dans le secteur rebelle, selon un correspondant de l'AFP.

Des habitants se sont aventurés dans la rue, profitant du calme, et quelques échoppes ont ouvert leurs portes, mais la circulation restait faible.

D'intenses raids aériens avaient eu lieu dans la nuit selon le journaliste de l'AFP. Aucune indication n'a pu être obtenue dans l'immédiat sur d'éventuelles victimes.

«Ce qui se passe à Alep est une honte. C'est une violation du droit humanitaire. C'est un crime», a affirmé lundi le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, avant sa rencontre à Genève avec John Kerry.

Il a également accusé les Russes et le président Bachar al-Assad de violer «tous les accords conclus» pour soutenir le processus de paix.

Le secrétaire d'État américain a quant à lui expliqué que Washington allait demander aux rebelles modérés de se distancer à Alep du Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda et le plus important groupe djihadiste du pays après l'État islamique (EI).

La Russie et le gouvernement de Bachar al-Assad ont justifié l'offensive sur Alep par la présence d'Al-Nosra, qui n'est pas englobé par l'accord de trêve du 27 février.

Moscou avait annoncé dimanche que des «négociations actives» étaient en cours pour faire taire les armes dans la province d'Alep.

Le Centre russe pour la réconciliation des parties belligérantes en Syrie, créé par l'armée russe pour superviser la trêve, a indiqué lundi que ces négociations se poursuivaient.

PHOTO FABRICE COFFRINI, AFP

Le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, - accompagné de l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura - prend la parole devant les journalistes à Genève, le 2 mai.

#AleppoIsburning

À Paris, le ministère des Affaires étrangères a souhaité l'organisation rapide d'une réunion ministérielle du groupe international de soutien à la Syrie pour «restaurer la trêve», et a appelé les alliés russe et iranien de Damas à faire pression sur le régime syrien.

«La France condamne avec force les attaques du régime qui ont causé de nombreuses victimes» et «appelle les soutiens du régime à prendre leurs responsabilités et à user de leur influence sur Damas pour faire taire les armes», a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay Romain Nadal.

Le 3e round de négociations qui avait commencé le 13 avril s'est achevé le 27 avril à Genève. Les principaux représentants de l'opposition ont quitté la table des négociations pour protester contre la dégradation de la situation humanitaire et les violations de la trêve.

M. de Mistura a demandé à ce que le cessez-le-feu soit «revitalisé», avec l'aide de Washington et Moscou, et espère lancer un 4e round de pourparlers courant mai.

La guerre en Syrie a fait plus de 270 000 morts depuis 2011, selon l'OSDH.

Face à la tragédie à Alep, le mot-clic #AleppoIsburning (Alep brûle) a été relayé massivement sur les réseaux sociaux, appelant à des manifestations de solidarité dans plusieurs pays du 30 avril au 7 mai.